Théodore de Banville - Le Palais de la mode
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Petit journaliste et grand poète, Banville fut le singulier sculpteur de feuilles volantes en marbre que le vent emporta. Baudelaire l’admirait, Rimbaud lui envoya ses vers ; seuls s’en souviennent les amateurs de belles pierres. Ses poèmes de circonstance résistent aux modes – « C’est l’amour qui rend beau, pas le vêtement », expliqua-t-il.
Elle brise en jouant, comme un oiseau son aile,
Tous les hochets d’hier, cent caprices dorés,
Et rêve, en chiffonnant la soie et la dentelle,
Aux caprices nouveaux qui seront adorés. (…)
Et lorsque de New York, de Londres ou d’Asie,
Les reines des salons de tous les archipels
Disent : Quel nouveau charme et quelle fantaisie
Rajeunira demain nos attraits éternels ?
Mille petits Amours, cohorte aux ailes roses,
Du palais radieux s’envolent tout joufflus,
Et, traversant le ciel rempli d’apothéoses,
Portent à l’univers ces ordres absolus :
Demain, vous porterez ces étoffes de guêpe,
Satins d’or dont le rose illumine les bouts,
Et ces chapeaux tout clairs, faits de brume ou de crêpe
Où flotte la nuée en fleur des marabouts !
Avant que le raisin des Bacchantes mûrisse,
Pour refléter les feux et les lys de l’été,
Vous aurez ces bijoux en acier que Meurice
Fit clairs comme les flots du doux Guadalété !
Vous aurez ces peignoirs plus pâles que le marbre,
Ces bas tout découpés pour les yeux de l’Amour,
Et ces mouchoirs chinois faits d’une écorce d’arbre,
Et ces cols merveilleux bâtis de points à jour !
Extrait du poème « Le Palais de la mode », dans Le Sang de la coupe, 1890
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