Des avocats qui jettent leur robe devant la ministre de la Justice Nicole Belloubet pour protester contre la réforme des retraites. Cette scène filmée à Caen le 8 janvier était exceptionnelle à plus d’un titre. Le barreau n’est pas une profession habituée à manifester. Et ce geste répété de Paris à Bordeaux en passant par Nanterre, Lille ou Toulouse, désormais popularisé sous le nom de « lancer de robes », est un symptôme de l’époque. La démocratie, dont le politologue Samuel Hayat souligne qu’elle est « en métamorphose permanente » plutôt qu’en crise, est loin d’avoir dit son dernier mot. Si elle reste, selon la célèbre formule de Churchill, « le pire des régimes à l’exception de tous les autres », elle ne cesse d’occuper les esprits comme les revendications des citoyens.

Ce qui frappe depuis la naissance du mouvement des Gilets jaunes, ce sont les nouvelles formes de manifestation qui expriment chaque fois un besoin de se faire entendre autrement pour obtenir non pas tant le départ des élus que leur écoute et un changement de comportement, l’actuel étant considéré comme trop lointain. Surtout quand ils mènent une politique jugée inégalitaire, par exemple au niveau fiscal, comme le souligne l’économiste Julia Cagé. À mesure que les grèves à caractère politique – visant les gouvernants – semblent l’emporter sur les grèves à caractère économique et social – menées contre les employeurs, de nouvelles formes d’action surgissent, nous explique le professeur de science politique Rémi Lefebvre, qui vont du refus de corriger des copies du bac à l’occupation de ronds-points, de la distribution de fleurs dans les hôpitaux en grève aux coupures de courant décidées par des militants cégétistes en décembre dans plusieurs grandes villes de province. Pendant ce temps, les cortèges syndicaux sont loin de faire le plein, débordés par des mouvements moins encadrés et plus inventifs qui interpellent directement les dirigeants.

Que veut le peuple ? Plus de démocratie ! Moins surveiller (et punir) les dirigeants que pouvoir agir à son tour par une participation accrue qui reste en grande partie à inventer. Comme bien d’autres, nous rappelle The Economist cité par le chercheur Bruno Cautrès, la France reste dans la catégorie des « démocraties imparfaites », même si elle est passée l’an dernier du 29e au 20e rang mondial. Mais ce qui retient l’attention, c’est la crise de défiance qui ne cesse de se prolonger entre les Français et leurs dirigeants, comme le montre la nouvelle vague du baromètre de la confiance politique réalisée par le CEVIPOF, à paraître le 5 mars. La démocratie a de l’avenir. À condition que le haut accepte que la verticalité du système s’assouplisse sérieusement pour entendre et calmer les colères populaires. 

 

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