Pour qu’un modèle féminin soit efficace, il doit être accessible. L’image de femme parfaite renvoyée par Marissa Mayer, la PDG de Yahoo, peut être intimidante. L’enjeu n’est pas d’atteindre des sommets professionnels tout en étant une mère idéale, mais de trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. 

La journaliste américaine Hanna Rosin qui parle de « la fin des hommes » se trompe et propose un modèle qui n’est pas attirant. L’objectif est de travailler avec les hommes et non pas contre eux. La diversité est un moteur essentiel car elle permet de remettre en question la reproduction d’un modèle ancien qui a vieilli sous beaucoup d’aspects.

Dans la sphère professionnelle, les femmes peuvent contribuer à transformer des organisations devenues archaïques. Nous avons tendance à travailler avec des outils du xxie siècle et des mentalités du xixe. Nos systèmes sont souvent très hiérarchisés et les initiatives bridées. Les femmes doivent davantage interroger des pratiques qui ne sont pas tenables. Aujourd’hui, il n’est plus possible de penser en termes de management vertical. L’arrivée des femmes dans les entreprises peut conduire à des méthodes de management plus transversales. Si je suis féministe, c’est d’abord que je suis réformiste.

En 2013, j’ai entrepris de rénover le concours d’entrée de l’ENA : créée en 1945 et ouverte à la mixité, cette école n’avait jusqu’à cette date pas réussi à attirer plus d’un tiers d’élèves femmes. Beaucoup d’entre elles déclarent qu’elles ont osé se présenter grâce aux incitations de leur père, ce qui signifie en creux que ni l’école ni la société ne portent assez d’attention à l’orientation des filles. Second constat : il y avait toujours moins de femmes admises après les épreuves orales. 

Pour éviter les biais inconscients, les jurys dressent désormais une liste objective des compétences requises pour intégrer l’ENA et définissent précisément la manière de les évaluer. Avec cette méthode, l’école a intégré 45 % de femmes en 2013 sans avoir eu recours à la discrimination positive. Pour autant, je ne suis pas radicalement hostile aux quotas. 

De même, la solidarité féminine est nécessaire. Pour ma part, j’ai dirigé l’association Femmes et diplomatie, le premier réseau de femmes diplomates en France. J’avais remarqué, en effet, que les pionnières qui atteignaient le sommet de la hiérarchie avaient tendance, une fois en haut de l’échelle, à la repousser derrière elles, ce que je déplorais. Mes mentors étaient exclusivement des hommes. Les réseaux permettent aux femmes d’être moins isolées, plus efficaces. En France, la société a évolué dans le bon sens, contrairement à l’Allemagne. Là-bas une mère qui travaille est encore souvent considérée comme une mauvaise mère ; c’est moins le cas ici, même si cela reste un problème insidieux. À titre personnel, j’ai le souvenir de quelques instituteurs qui m’ont fait part de leur étonnement devant mes absences à « l’heure des mamans » à la sortie de l’école. Pour réussir à tout concilier, il faut savoir accepter l’imperfection. Je fais tout mal, mais avec enthousiasme !   

Propos recueillis par ELSA DELAUNAY

 

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