Emmanuel Macron veut porter son « mouvement […] jusqu’en 2017 et jusqu’à la victoire » – il l’a dit le 12 juillet 2016 dans sa prédéclaration de candidature à l’élection présidentielle. Dans notre pays, très formaliste, le microcosme attend encore la déclaration officielle. Nous verrons bien si et quand elle interviendra. L’intention ne faisant en tout cas pas de doute, raisonnons comme si les événements ne venaient pas la contrarier.

Macron a justifié sa démission, lors de son allocution de Bercy, par la nécessité d’opérer « des transformations en profondeur de notre système politique ». Pour deux raisons : parce qu’il a « touché du doigt [ses] limites » qui empêchent trop souvent une action politique dans l’intérêt général ; et parce que « penser que l’organisation politique serait […] immuable, ce serait le meilleur moyen de livrer notre pays aux extrêmes ». Cette intention et cette explication appellent à réfléchir aux conditions dans lesquelles il pourrait tant conquérir le pouvoir que le changer.

Nous le savons, il le sait, il l’a dit, dans notre pays, l’unique moment est présidentiel. Cas unique en Europe, cas dominant dans les Amériques, la voie du pouvoir passe inéluctablement par la conquête de la présidence de la République. Même le plus parlementariste, le plus montagnard, le plus soviétique (au sens originel et propre : conseilliste), le plus « chaviste », hors révolution, doit en passer par l’Élysée : voyez Mélenchon…

Macron peut-il gagner en 2017 ? Tout indique que non. La gauche est exsangue et présentera au moins deux candidats, dont l’un, sauf exception, ne se désistera pas pour l’autre. Deux candidats issus de feu la gauche plurielle, c’est déjà un de trop en ce climat de droitisation maximale. Macron en troisième homme n’aurait aucune chance de figurer dans le duo de tête.

Aucune ? N’est-ce un peu vite dit, « conformistement » pensé ? Et si Sarkozy gagnait la primaire de la droite, Montebourg celle de la gauche, un très grand espace ne s’ouvrirait-il pas, du centre gauche au centre droit ? Vous objecterez Bayrou. Mais avec cette quatrième candidature, serait-il en mesure d’incarner le renouveau ? Macron devant Sarkozy et Montebourg : premier scénario d’une victoire possible – juste possible.

Deuxième hypothèse : Macron ne serait pas le troisième candidat, avec Mélenchon et Valls, ou Montebourg, ou un, une autre, mais le second. Pour ce faire, il surmonterait sa répugnance à l’encontre des primaires et se présenterait à celle concoctée par le PS. S’y présenterait et, fort d’une dynamique surgie dans les mois qui viennent, l’emporterait. Certes, il lui faudrait d’éclatants sondages de présidentiabilité, d’impressionnantes adhésions à son mouvement, moult soutiens rendant impossible à l’appareil solférinesque de bloquer sa candidature, des millions d’électeurs participant à ladite primaire… Tout cela réalisé, il serait l’un des deux vainqueurs du premier tour, et battrait Le Pen au second. Autant de conditions fort difficiles à réunir. Difficile, mais pas impossible, juste pas impossible.

Troisième hypothèse : Juppé est élu face à la candidate d’extrême droite et veut tant que doit recomposer. Il appelle Macron à Matignon, et, s’étant engagé à ne faire qu’un mandat, le place ainsi en orbite pour 2022. Pas certain, mais concevable, juste concevable.

Il existe donc trois scénarios pas totalement impossibles dans lesquels l’inconnu d’il y a trois ans accéderait au pouvoir. Rien que cela, en France, est sans précédent.

Arriver au pouvoir contre une bonne partie de la droite et une bonne partie de la gauche marquerait à soit seul un changement considérable. Mais comment faire pour qu’il ne s’agisse pas uniquement d’une parenthèse, pour que le gouvernement de coalition, issu de la séquence électorale printanière, ne soit pas éphémère ? Comment, ainsi que Macron le veut, substituer durablement au clivage gauche-droite une partition progressistes-conservateurs ? Changer de logiciel, adopter la proportionnelle.

Dans la loi d’airain du scrutin majoritaire, le clivage droite-gauche dominera toujours. Même la tripartition imposée par le FN ne durera pas éternellement, ledit FN finira par s’allier avec la droite ou à nouveau se marginaliser.

Quand et comment passer à l’élection des députés au scrutin proportionnel ? Plusieurs voies peuvent être imaginées. Le plus difficile réside ailleurs : pour le faire, accéder au pouvoir.  

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