Une pensée gagne toujours à être replacée dans un contexte. Il faut l’envisager dans ses rapports avec d’autres pensées et en tenant compte des circonstances historiques, politiques et sociales particulières qui ont entouré son déploiement. Ce qui ne veut pas dire qu’une pensée se réduise au temps qui l’a vue naître. C’est toute la difficulté.

Ainsi en va-t-il de la philosophie du travail de Simone Weil. Il faut avoir à l’esprit le cadre général d’une époque, au lendemain de la Grande Guerre : la révolution bolchevique et son prolongement stalinien, l’arrivée au pouvoir des divers fascismes, la crise de 1929, les conséquences politiques et sociales de l’industrialisation de masse et du modèle fordiste, l’âpreté des revendications ouvrières, la guerre d’Espagne… En somme, une période particulièrement agitée et tendue.

Les philosophes se contentant d’enseigner et d’écrire, on les rencontrait assez peu dans les rues et à l’usine.

Sur le plan de la pensée, il faut noter le décalage entre les systèmes philosophiques dominants – dans l’ensemble, de nature spéculative – et la réalité du monde. Les philosophes se contentant d’enseigner et d’écrire, on les rencontrait assez peu dans les rues et à l’usine.

Il importe aussi de prendre en considération un curieux phénomène temporel. Née au début du siècle dernier (en 1909) – comme Jean-Paul Sartre et Raymond Aron (1905), Hannah Arendt (1906), Maurice Merleau-Ponty et Simone de Beauvoir (1908) –, Simone Weil laissera à sa mort (en 1943, à 34 ans) une œuvre considérable, alors que ses contemporains n’auront, pour l’essentiel, qu’à peine ébauché la leur. Sa courte vie, tout en intensité, a imprimé à ses idées et à ses engagements une sorte de contraction assez extraordinaire, produisant des effets de densification.

Ainsi tirera-t-elle de son court séjour en Allemagne – en 1932, à la veille de la prise du pouvoir par les nazis – comme de sa participation éclair à la guerre d’Espagne – dans les rangs de la colonne Durruti, en 1936 – des enseignements d’une pertinence ra

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