Comment décririez-vous la personne de Simone Weil ?

Elle est multiple ! C’est avant tout une personnalité hors norme, d’une originalité remarquable. Elle est sans conteste une grande philosophe, probablement la plus grande de son siècle en tant que femme. C’est également une « compassionnée » qu’habitait un violent désir de s’occuper des laissés-pour-compte, de « ceux d’en bas », comme elle les nommait. Enfin, elle a une forte propension à la contradiction, héritage de son maître Alain, qui lui a appris l’exercice du doute systématique. C’est une insoumise, on pourrait même dire une hérésiarque !

Elle pense fortement, solidement. Son écriture est admirablement articulée, économe, dénuée de toute grandiloquence. C’est une pensée active, constamment reliée à l’action. Pour autant, elle ne propose en rien un système. Il faut toujours garder à l’esprit que ses livres ont été publiés à titre posthume. Prenez L’Enracinement, son maître ouvrage : c’est un texte non homogène, rédigé dans l’urgence et par vagues successives. Son manuscrit, remis après-guerre aux éditions Gallimard, fut publié tel quel par Albert Camus en 1949. Il ne peut pas posséder la clarté d’exposition d’un travail académique. La disparition brutale de Simone Weil, à 34 ans, ne lui a pas laissé le temps de lui donner une architecture, de le relire, de le corriger. Et pourtant, quel éclat !

Quel est le projet de ce texte ?

Nous sommes en 1943, en pleine guerre mondiale, Simone Weil rédige ce texte en quelques mois, de janvier au 15 avril. Elle a rejoint la France libre, à Londres, et n’aspire qu’à une chose : l’action. On refuse toutefois de l’envoyer en France, et ses supérieurs se demandent que faire de cette « petite maigriotte ». Ils l’associent alors à un important travail de réflexion autour d’une nouvelle « Déclaration des droits de la personne », mais des désaccords se font jour, et elle se retrouve bientôt à travailler seule, abandonnée à elle-même.

Convaincue que la vraie mission du mouvement français de Londres est spirituelle avant d’être politique et militaire, elle voudrait, par ses réflexions, aider la France à retrouver « une inspiration ».

Durant ces trois mois, elle ne cesse d’écrire. Convaincue que la vraie mission du mouvement français de Londres est spirituelle avant d’être politique et militaire, elle voudrait, par ses réflexions, aider la France à retrouver « une inspiration ». Elle va donc s’employer à traquer les erreurs qui empoisonnent l’âme du peuple français, pour l’assainir et la régénérer. Cette réflexion se place ainsi au niveau de la plus « haute » politique, en amont de l

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