« Foucault démultiplie les figures du pouvoir »
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Foucault s’est intéressé de près à la question du pouvoir. Y a-t-il chez lui un concept particulièrement clé qui permette de ressaisir son apport ?
Un certain nombre de concepts foucaldiens ont bénéficié d’une fortune intellectuelle absolument incroyable depuis vingt ans : je pense notamment à la notion de biopouvoirs, ou à celle de biopolitique. Avec eux, Foucault cherche à décrire la manière dont les rapports de pouvoirs, leurs investissements, leurs champs d’application, leurs dispositifs, la rationalité à laquelle ils participent, se sont transformés à un moment donné. C’est sans doute là la clé des analyses foucaldiennes : aucun concept – pas même celui de « pouvoir » – n’est indépendant d’une histoire qui en détermine les enjeux et les pratiques.
Pourquoi Foucault a-t-il forgé ces concepts ?
Il a repéré que, à l’époque moderne, l’instrument privilégié du pouvoir souverain, la règle juridique, a été progressivement redoublé, et peut-être dépassé, par des rapports de pouvoir d’un autre type, qui ne reconduisaient pas nécessairement à l’État et qui utilisaient des dispositifs différents en fonction d’enjeux nouveaux. Sans doute cette transformation est-elle liée, dit-il très tôt, à celle de la représentation de la richesse : à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, celle-ci n’est plus associée aux titres, aux terres et aux privilèges, mais on se met à la concevoir comme « capital ». Le capital, c’est l’ensemble des éléments et des conditions qui rendent possible la production des marchandises. Or, avec les matières premières, les machines, les moyens de transport, les lieux de production et de stockage, les circuits de commercialisation, il y a aussi la force de travail. Dès lors que la valeur d’une marchandise équivaut à la quantité de travail incorporée dans celle-ci, pour reprendre la formule de l’économiste David Ricardo (1772-1823), gouverner la force de travail devient un enjeu essentiel. La règle juridique ne suffit plus, il faut se doter d’un nouveau cadre, et de nouvelles pratiques, en fonction de ce nouvel enjeu : la vie vaut.
Qu’est-ce qui va se mettre en place, alors, pour contrôler la force de travail ?
La première strate d’analyses, c’est le repérage d’un type de pouvoirs que Foucault nomme « disciplinaires », et dont Surveiller et punir fait l’analyse en 1975. Ceux-ci se mettent en place entre le milieu du xviiie et le début du XIXe siècle : dans un certain nom
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