Macron, un roman français
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On le savait depuis Le Cid : « aux âmes bien nées, la valeur n’attend pas le nombre des années ». Mais pour conquérir l’Élysée, outre une ambition hors norme, il fallait un passé de militant et d’élu, avoir livré des batailles, connu des défaites, noué des alliances, obtenu le soutien des appareils pour un jour, si ce jour venait, gagner le désir du peuple.
Rien de tout cela ne s’est produit avec celui qu’il faut désormais appeler le président Macron. Lui qui se rêvait en écrivain français est devenu l’écrivain de la France. Le voici investi de cette charge : poursuivre et raviver le roman national. Il appartient à ce bon élève d’en tirer des pages décisives, mélange d’autorité et d’efficacité, de style fédérateur et de mépris pour le renoncement, de courage et de mémoire. Emmanuel Macron a annoncé la couleur depuis des mois. Sous sa présidence, les Français devront perdre l’habitude de l’habitude. L’ère qu’il nous annonce s’ouvre sur un sentier étroit, un de ces chemins de crête où l’envol côtoie la chute. Macron libère des énergies comme il suscite des allergies, excitant les uns comme il irrite les autres. Après deux quinquennats si décevants qu’aucun président n’a pu se faire réélire – François Hollande ayant même renoncé à un second mandat –, Emmanuel Macron n’a d’autre issue que réussir. Son score le porte autant qu’il l’oblige. Sa gravité soudaine en donne la juste mesure.
Face à celle qui voulait remettre la France en ordre – ou aux ordres –, les Français ont préféré la remettre en marche. Ils vont donc emboîter le pas d’un jeune homme de 39 ans qui se plaît depuis l’adolescence à rêver sa vie, à la réinventer sans cesse, à placer l’espérance au cœur de son existence, en attendant, qui sait, de l’insuffler à un pays tout entier, un vieux pays déprimé, le nôtre.
Qui est Emmanuel Macron ? Ou plutôt : qui sera le président Macron ?
Inconnu il y a trois ans, le nouveau chef de l’État est une anomalie dans notre paysage politique. Hier encore, bien des observateurs voyaient en lui une bulle médiatique, un météore qui passerait comme passe le printemps ou le mal de tête. À l’évidence, la bulle était en dur, et mieux préparée qu’on ne pensait au dur métier de durer. Le météore ne fait pas que traverser notre ciel. Il veut l’habiter pour cinq ans. Le temps de transcender nos clivages partisans, d’effacer l’atonie nationale et le dégoût pour les politiques qu’aucune campagne n’avait porté à ce point de non-retour.
Passé la surprise, le soulagement aussi pour ceux qui n’imaginaient pas la bannière lepéniste flotter sur le palais de l’Élysée, restent pourtant le doute, la déception, voire la colère de ces nombreux citoyens qui ne se reconnaissent pas dans le nouveau président élu. 25 % d’abstentionnistes. 4 millions de bulletins blancs et nuls. Les chiffres sont éloquents. Aux yeux de ces déçus du système, les élites, de droite comme de gauche, ont trouvé derrière ce visage avenant le meilleur défenseur de leurs intérêts, c’est-à-dire du statu quo, du « que tout change pour que rien ne change » cher au Guépard de Lampedusa. Que nous dit-il, justement, le visage d’Emmanuel Macron ? Il suffit d’entendre grommeler les dessinateurs de presse pour comprendre un trait singulier du président élu dimanche : avec ses faux airs de Boris Vian ou de Jean-Louis Tri
« Nous avons assisté à une grande loterie électorale »
Louis Chauvel
Comment analysez-vous la nouvelle situation ?
Faute d’avoir un diagnostic réaliste – c’est-à-dire profondément pessimiste – de la situation française, il sera impossible de transformer la société. Autrement dit, la seule solution pour le président Macron, c’est de devenir…
[Éloquence]
Robert Solé
Comme orateur, Emmanuel Macron n’a pas le talent d’un Mélenchon. Trop appliqué, trop scolaire… On a vu qu’il pouvait se laisser emporter par l’enthousiasme et hurler d’une voix haut perchée, à demi éraillée. Mais ce n&…
Elle a perdu
Philippe Meyer
Arrêtons-nous sur ce prodige, avant que l’enchaînement des jours et l’ampleur des tâches à accomplir n’aient érodé puis effacé son caractère inouï : un an, tout juste un an, après avoir lancé son mouvem…