On se souvient de Jean-Baptiste Clément pour Le Temps des cerises, devenu l’hymne de la Commune. Mais le poète milita toute sa vie contre la misère. En 1884, il écrit Allons faire un tour à la banque. Cette année-là, la loi Waldeck‑Rousseau autorise les syndicats et les premières caisses d’assurance-chômage… 

 

Au citoyen Bouty

 

Le travail manque !
Il est grand temps,
Les enfants,
D’aller faire un tour à la banque.

 

Voilà des mois qu’on ne fait rien.
Cependant, comme un galérien,
On arpente la capitale,
Et sans une croûte à ronger,
L’estomac bat la générale
À la porte du boulanger.

 

Le travail manque !
Il est grand temps,
Les enfants,
D’aller faire un tour à la banque.

 

La faim a gagné les faubourgs ;
Ça ne peut pas durer toujours,
Car les femmes crieraient : Tant pire !
Quand nos enfants veulent du pain,
C’est pas possible de leur dire :
Nous vous en donnerons demain.

 

Le travail manque !
Il est grand temps,
Les enfants,
D’aller faire un tour à la banque.

 

On jeûne et l’on est endetté.
Tout est au Mont-de-Piété ;
On couche à même la litière,
On a mis jusqu’aux draps de lit !
Et l’on a beau pleurer misère,
Les marchands ne font plus crédit.

 

Le travail manque !
Il est grand temps,
Les enfants,
D’aller faire un tour à la banque.

 

Jean-Baptiste Clément, Chansons du peuple, Le Temps des cerises, 2003

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