La taille de la population est régulièrement mise en cause lorsqu’il est question d’une dégradation de l’environnement ou de changement climatique : ainsi le nouvel « Avertissement à l’humanité » lancé en 2017 et signé par plus de 15 000 scientifiques tenait « la croissance rapide et continue de la population » pour le « principal moteur » de nombreux problèmes environnementaux. Limiter le plus rapidement possible la croissance démographique à venir était donc un impératif.

Mais jusqu’à quel point la population est-elle une menace pour le climat ? Considérons les émissions de gaz à effet de serre, dont on sait qu’elles jouent un rôle central dans le changement climatique. Dans un rapport de 2020, le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) fournissait des estimations concernant les pays polluant le plus. La Chine, le plus peuplé du monde, est bien le plus gros émetteur de gaz à effet de serre. Viennent ensuite, par ordre décroissant, les États-Unis, l’Europe des Vingt-Sept et le Royaume-Uni, l’Inde, la Russie et le Japon. Mais si les émissions sont rapportées aux effectifs de population, l’ordre est bouleversé : les États-Unis, quatre fois moins peuplés que la Chine, arrivent en première position avec un niveau d’émissions par tête deux fois et demie plus élevé que la Chine. Et en deuxième position se trouve la Russie dont la population est moindre que celle de l’Europe des Vingt-Sept et du Royaume-Uni. Tous les individus ne polluent pas également.

Parmi les pays émettant le plus de gaz à effet de serre figurent, certes, les deux plus peuplés du monde, mais l’Europe des Vingt-Sept et le Royaume-Uni se situent au troisième rang des plus gros émetteurs, devançant l’Inde, alors qu’ils ne représentent que 6 % de la population mondiale (contre près de 18 % pour l’Inde). Par ailleurs, des pays fortement peuplés où la croissance démographique reste rapide (supérieure ou égale à 2 % par an) ne figurent pas parmi ceux qui émettent le plus : c’est le cas du Nigeria et du Pakistan.

Même à population constante, les émissions de gaz à effet de serre peuvent augmenter parce que la consommation par tête augmente

Pour autant, le rôle joué par la population ne peut être considéré comme négligeable, puisque celle-ci exerce un effet multiplicateur : à niveau de consommation par habitant identique, 8 milliards d’individus consomment évidemment plus que 4 milliards ! Mais, dans la réalité, croissance démographique et accroissement de la consommation par tête vont de pair.

Quel peut donc être l’effet de la croissance démographique à venir sur le climat ? Les conséquences sur le climat de l’accroissement projeté de la population mondiale de plus de deux milliards d’ici à la fin du siècle dépendront largement de la façon dont les pays aujourd’hui moins avancés sur un plan économique se développeront. Leur mode de développement importe d’autant plus que leur poids démographique ne va cesser de croître.

Pour bien appréhender les enjeux futurs, il faut avoir à l’esprit que population, consommation et innovation combinent leurs effets : même à population constante, les émissions de gaz à effet de serre peuvent augmenter parce que la consommation par tête augmente. Quant à l’innovation technologique, elle peut amortir les effets liés au niveau de population et à la consommation ou, au contraire, les amplifier (optimisation des processus permettant des économies d’énergie d’un côté, production de déchets difficilement recyclables de l’autre). Conclusion : la stabilisation de la population mondiale est indispensable, mais ne suffira pas à régler la question climatique. 

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