À Darwin, on doit la théorie de l’évolution ; à Newton, la loi de la gravitation ; à Montesquieu, la séparation des pouvoirs… et à Malthus, ce qu’il a appelé lui-même le principe de population. Ce pasteur anglican a fait sensation en 1798 en formulant un postulat simple : les surfaces cultivables s’additionnent, mais les bouches à nourrir se multiplient. Plus précisément, les subsistances augmentent de manière arithmétique (1, 2, 3, 4), alors que la croissance de la population, « si elle n’est pas freinée », connaît une progression géométrique (2, 4, 8, 16).

Dans la première édition de son ouvrage, Malthus a employé des mots terribles sur les pauvres qui bénéficiaient en Angleterre d’une allocation : les miséreux sans travail « n’ont pas le droit de partager la nourriture des autres hommes ». Il a gommé ce passage par la suite, mais le ton était donné, et ses détracteurs n’ont pas cessé de le citer. « Il n’y a qu’un homme de trop sur la terre, c’est M. Malthus », disait Proudhon.

Malthus a été pris à tort pour un malthusien

On a eu tendance à caricaturer la thèse du pasteur britannique en omettant l’incise « si elle n’est pas freinée ». Mais freiner comment ? Les conceptions religieuses de ce père de trois enfants excluaient la contraception (d’ailleurs inexistante à l’époque). Pour réduire la natalité, il fallait selon lui retarder l’âge du mariage et, en attendant, observer la chasteté.

De manière paradoxale, le terme « malthusianisme » a fini par être synonyme de restriction, non seulement pour la natalité, mais pour la production. Or, l’économiste qu’était Robert Thomas Malthus (1766-1834) mettait au contraire l’accent sur le rôle dynamique de la demande de biens de consommation. Keynes n’a-t-il pas vu en lui un précurseur ? Bref, si l’on comprend bien, Malthus a été pris à tort pour un malthusien. 

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