« N’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : il sonne pour toi », écrivait le chrétien John Donne. Sous d’autres latitudes, Yehuda Amichaï nous rappelle que nul homme n’est une île. Le grand poète participa aux premiers combats d’Israël, il en sortit pacifiste. Espérons avec lui que les mots « pour l’éternité » reviennent dans la bouche des amants plutôt que dans celle des généraux. 

Le diamètre de la bombe était de trente centimètres
et le diamètre de son impact, de sept mètres,
contenait quatre morts et onze blessés.
Alentour, dans un plus grand cercle
de douleur et de temps, sont disséminés deux hôpitaux
et un cimetière. Mais la jeune
femme enterrée à l’endroit d’où
elle était originaire, à une distance de plus de cent kilomètres,
accroît encore bien davantage le cercle,
et l’homme seul qui pleure sa mort
au fin fond d’un des lointains pays d’outre-mer
contient dans son cercle le monde entier.
Pour ne rien dire des cris des orphelins
qui parviennent jusqu’au trône de Dieu
et au-delà, transformant alors
le cercle en infini, indivin.

Extrait du poème « Le temps », dans Perdu dans la grâce, traduit de l’hébreu par Emmanuel Moses
© Éditions Gallimard, 2006