« J’ai péché, péché dans le plaisir » : Forough Farrokhzâd fait scandale dans l’Iran du Chah. Elle assume son désir, trompe son mari, divorce, perd la garde de son fils, avant de mourir dans un accident de voiture à 32 ans. Interdits par les mollahs, ses poèmes ont inspiré plusieurs générations d’Iraniennes luttant pour être libres.
Encore davantage, oh oui
On peut se taire encore davantage
On peut fixer des heures durant
Avec le regard immuable des morts
La fumée d’une cigarette
La forme d’une tasse
La fleur pâle d’un tapis
Ou une ligne invisible sur le mur
On peut tirer le rideau
Avec ses mains sèches
Et voir la pluie s’abattre dans la rue
Voir un enfant avec son cerf-volant coloré
À l’abri sous une arche
Et dans les cris, un vieux chariot quittant
La place bientôt déserte
On peut rester immobile
Près du rideau, aveugle et sourde (…)
On peut ne compter pour rien dans les équations
Tomber toujours sur la même somme
On peut voir tes yeux sous la rancune sous la colère
Pâlir comme un bouton de vieilles chaussures
On peut voir l’eau de son puits se tarir (…)
On peut regarder le monde avec des yeux en verre
Comme une poupée mécanique
On peut dormir des années
Un corps en paille dans un sac en tissu
Au milieu des dentelles et des paillettes
On peut s’exclamer
À chaque main lascive qui se pose
« Ah comme je suis heureuse. »
Une autre naissance, traduit du persan par Laura Tirandaz et Ardeschir Tirandaz
© Éditions Héros-Limite, 2021