Sept. L’enfant perd ses dents et d’autres les remplacent
Et son esprit s’accroît. Sept ans encor se passent
Et son corps florissant se prépare aux amours.
Trois fois sept : sa vigueur va grandissant toujours
Et sur sa fraîche joue un blond duvet se lève.
Sept encore : il est mûr pour les travaux du glaive ;
Son esprit et son corps sont tous deux accomplis.
Cinq fois sept : il est temps que vers de justes lits
Il tourne sa pensée et choisisse une femme.
Six fois sept : il a su, enrichissant son âme,
Vivre, penser, combattre, obtenir, s’efforcer ;
S’il le fallait, sans deuil il pourrait renoncer
Aux biens trop éloignés, au but peu accessible,
Content dorénavant de jouir du possible.
Sept fois sept, huit fois sept : son aisance est suprême ;
Il s’impose à autrui, il se connaît soi-même ;
Neuf fois sept : tout en lui a gardé sa fierté,
Mais sa voix au conseil est désormais moins sûre,
Il sent diminuer sa vieille autorité.
Dix fois sept : de la vie il a pris la mesure :
Il va pouvoir dormir avec sérénité.

 

Extrait de Marguerite Yourcenar, La Couronne et la Lyre, poèmes traduits du grec © Éditions Gallimard, 1979

 

« On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans », prétendait Arthur Rimbaud en 1870. Le poète adolescent n’avait alors que quinze ans ; cela ne l’empêchait pas de prendre parti dans ses écrits pour ceux de la Commune. Car certains jeunes refusent la place que la société leur attribue. Sans doute était-ce déjà le cas dans l’Antiquité. Et des gamins se rebellaient-ils contre les vers d’Hésiode : « Aux jeunes gens, les durs travaux ; aux hommes mûrs / La méditation et les conseils ; aux vieux, / La prière, et un cœur qui se souvient des dieux. » Le poème ci-dessus s’affranchit de cette répartition en trois âges pour une vision plus intime. C’est à partir du chiffre sept que Solon examine l’évolution de nos corps et de nos pensées, et dresse un portrait de l’homme qui équilibre ses désirs. Le glorieux Athénien fut considéré comme l’un des Sept Sages de la Grèce antique. Alors que sa ville natale connaît une grave crise, il est élu archonte et chargé d’établir une constitution. Les paysans croulent sous les crédits, et, pour vivre, vendent jusqu’à leur liberté : Solon annule les dettes, interdit les prêts sur corps, et rachète les esclaves. Mais il refuse aussi de redistribuer les terres et s’attire ainsi la colère des riches comme des pauvres. Un modèle d’équité et de courage qui le pousse à quitter la cité pour sauver ses réformes, avant de mourir à quelque quatre-vingts ans. Jeunes ou moins jeunes, futurs candidats ou élus en place, méditez sa leçon : « Qui agit grandement ne peut plaire à chacun. » 

 

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