Chez nous, la violence était là depuis toujours. Petite, je blottissais mon esprit dans un coin pour ne pas la voir, ne pas l’entendre, mais mon corps, lui, savait la détecter. Il avait appris à percevoir, à pressentir sa venue. Sa déferlante, je la captais. En observant ma mère, en ressentant ses émotions, je percevais sa nervosité. Ses gestes brusques. La tension. Sans même m’en rendre compte, enfant, je vivais en apnée. Mais grandir, c’est prendre du recul, ouvrir sa conscience, parfois malgré soi : avec le temps, j’ai associé les pleurs et les cris à des images de mon enfance ; j’ai fait le lien. J’ai pris conscience de ce qu’était la violence. J’ai compris, par exemple, que lorsque ma mère nous mettait à table et nous faisait manger sans que notre père soit rentré du travail, cela signifiait qu’il se passerait quelque chose. C’était comme si le temps s’arrêtait dans un silence assourdissant. Nous mangions donc tous les trois, mon frère, ma sœur et moi, avec notre mère tendue à nos côtés. Je remarquais les coups d’œil lancés vers la porte d’entrée, vers la pendule. Les geste

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