Les suées de mes nuits graillonnent l’assiette qu’il me porte.
Au menu, le même décor de brouillard bleu planté
Avec les mêmes arbres, les mêmes pierres tombales.
C’est donc tout ce qu’il a à proposer,
Ce bruiteur de clefs ?


J’ai été droguée puis violée.
Sept heures durant assommée,
Plongée dans un sac noir
Où je repose, fœtus ou chat,
Instrument de ses éjaculations nocturnes. […]

 
Tout le jour, recollant mon église d’allumettes consumées,
Je rêve de quelqu’un de totalement autre.
Et lui, pour me faire payer cette subversion
N’a de cesse de me blesser, lui
Et son arsenal de toc,


Ses grands masques froids d’amnésie.
Comment suis-je arrivée ici ?
Criminel indéterminé,
Je meurs de diverses façons –
Pendue, affamée, brûlée, ferrée.


Je l’imagine
Impuissant comme le tonnerre lointain,
Dans l’ombre duquel j’ai mangé ma ration fantôme.
Je souhaite sa mort ou son départ.
Mais cela, semble-t-il, est inimaginable.


Cette libération. Que ferait l’obscurité
Sans fièvres dont se repaître ?
Que ferait la lumière
Sans yeux à poignarder, que ferait-il
Sans moi, sans moi, sans moi.

Sylvia Plath se suicide à 30 ans. Elle est alors séparée de son époux, Ted Hughes. Dans plusieurs poèmes du recueil posthume Ariel, elle règle ses comptes avec la figure paternelle, comme avec celle du mari. Les images se succèdent dans « Le geôlier », violentes comme la foudre, médicales et sexuelles, pour dénoncer l’emprise masculine. 

 

Ariel, dans œuvres, « Quarto »© Éditions Gallimard, 2011, pour la traduction de Valérie Rouzeau et Françoise Morvan

 

 

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