Aux origines de la violence conjugale
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CERGY-PONTOISE. Sur leurs visages, difficile de lire cette violence qui souvent les démange. Ils s’appellent Steven, Amadou, Khalid, Jonathan, Sofiane et Younès*. Ils sont ambulancier, électricien, militaire de réserve, déménageur, garagiste et retraité. Ils ont majoritairement entre 30 et 40 ans ; le plus vieux n’a pas loin de 70 ans. Dans les locaux du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Val-d’Oise, mardi 12 novembre, ces hommes placés sous main de justice sont réunis autour d’une table ovale. Peu fiers, certains regardent leurs pieds. « Si on est là, c’est qu’on a levé la main », résume Steven, qui a gardé son blouson et sa casquette à l’envers.
En 2018, selon un rapport de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, près de 71 000 individus ont été impliqués dans des affaires de violences conjugales. Parmi eux, 17 908 hommes ont été condamnés pour violences entre partenaires, dont 54 pour homicide volontaire, 65 pour viol, 49 pour non-respect d’une ordonnance de protection et 1 662 pour menace et harcèlement. Chaque année, la justice contraint une partie d’entre eux à participer à un stage de responsabilisation. À Cergy-Pontoise, ils se retrouvent, par groupe de dix, maximum, le mardi soir. « D’habitude, on essaye de mixer les âges, les cultures et les quartiers d’origine, précise Françoise Lescoët, la conseillère pénitentiaire en charge d’animer la séance. On a souvent des chefs d’entreprise et des ingénieurs. Un jour, on a même vu passer un psychiatre. »
À ces stages, seuls sont conviés les hommes « rattrapables », c’est-à-dire les plus disposés à évoluer. Tous n’arrivent pas avec le même bagage : certains assument tout de suite les faits commis, tandis que d’autres s’entêtent à les contester. C’est là que l’effet de groupe est censé opérer sa magie. Chez les conseillers pénitentiaires du Val-d’Oise, la frustration est souvent au rendez-vous. Jonathan, jeune déménageur, entame sa sixième séance et s’enfonce dans le déni. Il répète que « c’est à cause de [sa] femme », qu’« elle est malade dans sa tête » et que, chez lui, « c’est pas pareil ».
Pour Linda Tromeleue, psychologue clinicienne qui travaille en étroite collaboration avec le SPIP, la projection de la responsabilité de ses actes sur autrui constitue une grande caractéristique commune aux auteurs de violences conjugales. « Dans leur manière de communiquer, ils nous invitent à penser la responsabilité de la femme, explique la thérapeute. Et par ce renversement, ils légitiment les faits qu’ils ont commis. » Bien souvent, « leur communication est abusive : les termes qu’ils emploient minimisent la violence dont ils ont fait preuve ». L’un parlera de « gifle » pour caractériser un acte ayant entraîné l&rs
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