Le sujet a enflammé le sérail politique ces derniers jours. Alors que le nouveau Premier ministre Michel Barnier jugeait « très grave » l’état de nos finances publiques, référence au déficit estimé à 6 % du PIB en 2024 au lieu des 4,9 % annoncés initialement par Bruno Le Maire, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau, dans un entretien au Parisien, appelait à une hausse d’impôts temporaire sur les plus riches. Le débat est ouvert, et le « ballon d’essai » envoyé par M. Barnier dans cette direction a montré combien les représentants de la Macronie étaient enfermés dans ce dogme posé en 2017 d’un refus de tout durcissement fiscal, en particulier pour les plus aisés.

Mais les temps ont changé. La baisse des recettes de l’impôt prélevé sur les ménages et sur les sociétés a aggravé les déséquilibres, alors que les dépenses de fonctionnement ne cessaient d’augmenter. Sans oublier bien sûr la facture salée du « quoi qu’il en coûte » des années Covid. Est aussi apparue une situation désormais documentée selon laquelle les plus riches sont en proportion moins taxés que l’ensemble des ménages. Pas tant sur leur revenu que sur leur patrimoine. « Le patrimoine global des 500 plus grandes fortunes en France est passé en dix ans de 400 à 1 200 milliards », explique la chercheuse au CNRS Anne-Laure Delatte dans un entretien croisé avec Lisa Thomas-Darbois de l’Institut Montaigne. « Peut-on taxer cela ? La réponse est oui. Si l’on pouvait prélever ne serait-ce que 20 milliards, cela ne changerait rien à leur statut d’ultrariches tout en permettant de financer de la dépense publique, notamment en faveur de l’écologie. »

Le débat est loin de se limiter à notre pays

Ce besoin de renflouer les caisses pour mener un projet de société ambitieux rejoint un autre besoin, celui de la justice fiscale. Qu’est-ce qu’un impôt qui n’a pas pour effet de réduire les inégalités ? On retrouve cette question des patrimoines chez l’économiste Nicolas Frémeaux, pour qui la France serait « une société d’héritiers, voire de rentiers, comme à la Belle Époque ». Dans les années 1970, dit-il, le patrimoine était constitué pour deux tiers d’épargne et pour un tiers d’héritage. La proportion est aujourd’hui inverse. Et selon une étude du Conseil d’analyse économique de 2021, poursuit l’auteur des Nouveaux Héritiers, « le taux moyen appliqué aux héritiers les plus fortunés est de 10 % – un niveau pas beaucoup plus élevé que celui de la CSG, payée dès le premier euro par tous les Français ! »

Le débat est loin de se limiter à notre pays. L’économiste Lucas Chancel rappelle qu’en juillet, le Brésil a proposé au G20 d’instaurer une taxe sur le patrimoine des milliardaires à échelle mondiale, au taux minimum de 2 % de leur fortune. Avec pour enjeu une meilleure redistribution des richesses produites par la libéralisation des capitaux. La France ira-t-elle dans cette direction ? Compte tenu des forces politiques en présence, taxer les riches pourrait hypothéquer la longévité du gouvernement Barnier. Le débat budgétaire éclair de l’automne nous le dira peut-être. 

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