Une vie sous état d’urgence
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TEQOA, CISJORDANIE. En quittant les États-Unis pour s’installer en Israël, Sherri et Seth Mandell croyaient que l’état d’urgence auquel était soumis le pays ne durerait pas. C’était en 1996, trois ans après les accords d’Oslo. La fameuse poignée de main entre Yitzhak Rabin et Yasser Arafat avait ravivé l’espoir chez de nombreux Juifs et Arabes d’une résolution du conflit israélo-palestinien. Avec ses quatre enfants, le couple a donc fait le voyage et posé ses valises à Teqoa, une colonie située en terre palestinienne, à une quinzaine de kilomètres au sud de Jérusalem. Ils y résident toujours, mais ils n’y ont pas trouvé la paix qu’ils espéraient. La Seconde Intifada ayant mis fin aux négociations au début des années 2000, les Mandell vivent depuis plus de vingt ans dans un pays où la menace terroriste est quotidienne.
« C’était particulier au début, raconte Sherri d’une voix très douce, assise sur le bord de son canapé gris. Vivre au quotidien au milieu des soldats et des policiers, devoir leur montrer régulièrement l’intérieur de nos sacs… C’était un environnement étrange pour nous qui venions des États-Unis, un pays où l’on ne voit jamais de soldats dans la rue. » Il leur a fallu du temps pour s’habituer. Seth se souvient du jour où sa femme a oublié son sac à dos sur un trottoir de Jérusalem. « Quand on est venus le chercher quelques minutes plus tard, il était suspendu à une machine, prêt à être détruit ! » raconte-t-il, en adressant un sourire à Sherri.
Les Mandell n’ont eu d’autre choix que de s’adapter. Prendre conscience du danger, faire confiance aux autorités israéliennes, ne plus considérer la police comme une menace mais comme un allié, devenir responsable de sa propre sécurité et de celle de ses voisins. « Ici, on est tous très solidaires, explique Sherri. On prend soin les uns des autres. C’est très ancré dans la culture. » Une intuition confirmée par une étude psychiatrique menée par quatre chercheurs en 2006, après 44 mois d’attaques terroristes régulières : plus des trois quarts des Israéliens interrogés affirmaient penser qu’un inconnu leur viendrait en aide s’ils étaient en difficulté.
Cette solidarité se ressent dans le quotidien des Mandell. Comme des centaines d’autres habitants des villes voisines, ils font partie d’un groupe d’échange de messages, sur l’application mobile WhatsApp, qui leur permet d’être alertés chaque fois qu’une menace se profile ou qu’une attaque a lieu sur les routes de la région. « Lorsque quelqu’un est victime ou témoin de jets de pierres ou de cocktails Molotov, explique Sherri, il prévient le reste de la communauté en envoyant un message et en précisant le lieu du danger. » Pour les Israéliens, la sécurité n’est pas l’apanage des autorités. La lutte contre le terrorisme est la responsabilité de chacun.
Seth fait partie des 200 000 civils autorisés à porter une arme à feu, sur une population de 8,5 millions d’habitants. En Israël, contrairement aux États-Unis, s’armer n&rsq
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