Quoi de neuf ? Romain Gary ! La parution de son œuvre dans la prestigieuse « Bibliothèque de la Pléiade » nous a incités à revisiter l’univers de cet écrivain caméléon qui aura passé sa vie à se fuir, ou à fuir la gueule qu’on lui avait faite, pour se réinventer livre après livre, pseudo après pseudo. Le personnage multiple et insaisissable qu’il était, fantasque et sombre, mêlant le rire aux larmes, l’humour féroce et l’autodérision, ce personnage romanesque à l’excès a sans doute éclipsé ses romans à force de jouer les « énergumènes », selon l’expression de l’universitaire Mireille Sacotte qui a dirigé cette édition prestigieuse.

Pourtant, passé la comédie des apparences et des faux-semblants, la voix de Gary s’impose comme sacrément singulière, puissante et nécessaire, avec le temps pour allié qui lui confère sa véritable dimension. Une voix actuelle et universelle, des mots d’hier pour dire quelque chose du monde d’aujourd’hui. Sans doute y avait-il plusieurs Gary dans Gary, plusieurs flammes pour un grand feu, au point qu’on ne sait jamais, quand son nom ressurgit, de qui on parle au juste. S’agit-il de l’aviateur héros de la France libre – qu’il tenait pour sa seule famille – ou du diplomate qui parlait au nom de la France, de Sofia à Los Angeles ? Est-ce l’écrivain deux fois couronné par le prix Goncourt, une fois en Gary, une fois en Ajar ? Ou le visionnaire, à qui ce numéro spécial du 1 a voulu s’attacher ?

Romain Gary est de ces écrivains, avec une peau en moins, hypersensibles aux vibrations de l’époque. Dans Les Racines du ciel (1956), plaidoyer pour la sauvegarde des éléphants, il fait de la défense de l’environnement une cause majeure et déjà urgente. Dans Éducation européenne, même au milieu – ou parce qu’au milieu – de la mitraille, il dit sa foi dans une Europe unie et pacifiée. Et dans La nuit sera calme (1974), incroyable entretien fictif, il en appelle aux valeurs féminines pour sauver la civilisation. De quoi plonger les yeux bien ouverts à la source Gary. Pour s’y désaltérer. Et y revenir sans se lasser. 

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