Un effet Taylor Swift ?
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Dans un pays plus que jamais divisé, où les électeurs républicains comme démocrates, bien que pour des raisons différentes, craignent pour la démocratie, tout est politique. Vraiment tout. C’est ainsi que les deux préoccupations principales des médias américains convergent dans une étrange mayonnaise : Taylor Swift, popstar aux innombrables records, connue pour ses chansons sentimentales, est accusée par la droite d’être un agent au service de la réélection de Joe Biden. Produit de l’univers très conservateur de la musique country, dont elle émergea avec succès au mitan des années 2000, Swift a opéré, dès 2010, un tournant vers la pop grand public. Depuis, à mesure que la chanteuse-autrice-compositrice de 34 ans s’émancipe de ses attaches sudistes – elle est née en Pennsylvanie mais a commencé sa carrière à Nashville, dans le Tennessee –, elle se défait progressivement de sa réserve sur les grandes questions qui agitent la société américaine.
Les « Swifties » sont réputés pour leur loyauté sans faille vis-à-vis de leur idole.
En 2020, à la suite de l’assassinat de George Floyd, elle soutient le mouvement Black Lives Matter et s’exprime en faveur des droits de la communauté LGBTQI+. La même année, après avoir milité sur des réseaux sociaux pour encourager les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales – son compte Instagram compte 282 millions de followers, quand même –, elle affiche son intention de voter pour Joe Biden face à Donald Trump. Dans une élection serrée, où la réserve électorale que constitue la jeunesse est hautement convoitée, le geste est important, et déjà abondamment commenté. D’autant que ses fans, les « Swifties », sont réputés pour leur loyauté sans faille vis-à-vis de leur idole.
Quatre ans plus tard, la superstar a accédé à la stratosphère de la notoriété : sa tournée The Eras Tour, entamée en mars dernier, a dépassé le milliard de dollars de recettes, devenant la série de concerts la plus lucrative de l’histoire. La ferveur de son public, elle, fit les gros titres en août, quand les sismographes de la ville de Seattle enregistrèrent des tremblements pop de 2,3 sur l’échelle de Richter au moment où la popstar entamait son tube Shake it off… Cerise sur le gâteau : Swift s’affiche depuis quelques mois au bras de son nouveau boyfriend, le footballeur Travis Kelce, qui vient de remporter le Super Bowl avec son équipe, les Kansas City Chiefs. Un événement suivi en direct par près de 124 millions de téléspectateurs.
Alors, forcément, la machine s’emballe. Sur Fox News, des théories conspirationnistes sur le sujet s’expriment désormais ouvertement : le 9 janvier, le présentateur Jesse Watters affirme que Swift « pourrait être une couverture pour des intentions politiques secrètes », ajoutant qu’il y a quatre ans déjà, « les équipes du département des opérations psychologiques du Pentagone avaient envisagé l’idée de faire [d’elle] leur agent » – une déclaration démentie le lendemain par la porte-parole de la Défense américaine. En février, sur son réseau social Truth Social, Donald Trump considère qu’il a fait gagner « beaucoup d’argent » à Swift et qu’il serait donc « déloyal » de la part de la popstar de soutenir Joe Biden. Les républicains, argue-t-il, ont fait voter une loi qui bénéficie aux artistes dans la répartition des droits d’auteur liés aux revenus du streaming. Voté en 2018, le Music Modernization Act faisait en effet écho à l’un des combats que mène Swift depuis des années pour faire reconnaître sa valeur face à Apple Music ou Spotify. Ni une ni deux, Joe Biden, invité sur la chaîne NBC le 27 février, s’enorgueillit, lui, d’avoir été soutenu par Swift en 2020. « Va-t-elle récidiver ? », lui demande le présentateur Seth Meyers. « C’est secret-défense », fut la réponse mutine du président. Une semi-blague à la hauteur de l’enjeu.
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