Qu’attendez-vous de la COP 28 qui s’ouvre à Dubaï ?

C’est sans aucun doute un moment charnière pour l’action climatique à l’échelle internationale car nous aurons un premier bilan de l’accord de Paris. Les conclusions du premier bilan mondial, le Global Stocktake, ne devraient pas nous surprendre : nous avons fait quelques progrès mais nous ne sommes pas encore sur la bonne voie. Ce qui compte désormais, c’est notre réaction face à cet échec collectif.

Nous savons tous ce qu’il faut faire pour revenir sur la bonne voie : réduire les émissions de gaz à effet de serre beaucoup plus rapidement. Cette COP se déroulant à Dubaï, il faut le répéter : la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles est fondamentalement incompatible avec nos objectifs climatiques, le rapport de l’Agence internationale de l’énergie est clair sur ce point. Les gouvernements doivent se mettre d’accord sur un plan ambitieux de sortie des énergies fossiles. Chaque mot du texte final sera âprement négocié, et nous allons veiller à ce qu’ils soient forts et ambitieux. Un peu de courage politique !

« La voix de la France compte, mais pour être crédible, l’action climatique nationale doit convaincre. L’incohérence ne peut être que dommageable à notre diplomatie. »

Nous devons également progresser sur d’autres questions clés, en particulier la nécessité d’aider les pays les plus vulnérables à faire face aux coûts de la lutte contre le changement climatique (les pertes et les dommages) et de l’adaptation à ses impacts. Pour cela, nous avons besoin de chercher de nouvelles sources de financement à travers la fiscalité internationale (taxation sur l’aviation, le maritime, les superprofits des compagnies pétrolières, les transactions financières, etc.). La France et le Kenya, avec le soutien de la Barbade, lanceront à la COP une nouvelle task force, ce qui sera l’occasion de faire de vrais progrès sur ces sujets.

La France était leader dans ce domaine lors de la COP 21. Est-ce encore le cas aujourd’hui ?

La France reste un acteur important de la diplomatie climatique – le gouvernement, bien sûr, mais également les maires, qui sont très actifs dans la diplomatie internationale, ou des institutions comme l’Agence française de développement (AFD), qui anime le forum Finance in Common réunissant toutes les banques de développement. Les scientifiques français sont aussi très présents : des think tanks, comme l’Iddri, jouent un rôle important de diplomatie informelle.

« Il est nécessaire, pour la France comme pour tous les pays développés, d’avancer le calendrier de la décarbonation de l’économie pour laisser de la place aux émissions des pays en développement. »

Le gouvernement français a joué un rôle de leader sur la question clé du financement de la lutte contre le changement climatique : il soutient les réformes du FMI et de la Banque mondiale afin de canaliser plus de moyens pour aider les pays en développement ; la France a également fait avancer le débat en abordant des sujets tabous tels que les nouvelles taxes internationales. La voix de la France compte, mais pour être crédible, l’action climatique nationale doit convaincre. L’incohérence ne peut être que dommageable à notre diplomatie.

Comment la voix de la France peut-elle peser sur les autres pays, notamment les plus polluants ?

En montrant d’abord l’exemple : les émissions historiques de gaz à effet de serre des pays riches, dont elle fait partie, sont considérables, de même que leur empreinte carbone – lorsqu’on tient compte des émissions liées à notre consommation de produits importés. Ces pays ne peuvent espérer exercer une influence sur les autres s’ils n’ont pas eux-mêmes mis en place des trajectoires crédibles pour atteindre la neutralité carbone. Paris doit veiller à ce que ses objectifs climatiques soient accompagnés de politiques sectorielles crédibles – par exemple, sur les énergies renouvelables – et du financement nécessaire à leur accessibilité et leur mise en application. Il est nécessaire, pour la France comme pour tous les pays développés, d’avancer le calendrier de la décarbonation de l’économie pour laisser de la place aux émissions des pays en développement. Pour des raisons de justice climatique, nous devrions viser l’objectif de « zéro émission net » en 2040 et non en 2050, notre objectif officiel actuel.

Ensuite en tenant parole : les 100 milliards de dollars par an promis pour aider les pays les plus pauvres et les plus vulnérables à lutter contre le changement climatique et à s’adapter à ses impacts ne sont toujours pas atteints. Nous avons déjà pris deux ans de retard. La gestion de la crise du Covid, la crise énergétique et les guerres visibles et invisibles ont mis à mal le multilatéralisme. La France, qui a accueilli la COP 21, peut rappeler ce qu’est l’esprit de l’accord de Paris : une négociation où chaque pays, aussi petit ou pauvre soit-il, a sa place. 

 

Propos recueillis par PATRICE TRAPIER

 

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