« Je voulais juste faire mieux », souffle Eddie, le père de Jamie Miller, dans la minisérie britannique Adolescence qui connaît un succès fulgurant sur Netflix, avec plus de 100 millions de vues depuis mars dernier. Dans un moment de confidence à sa femme, Eddie se remémore son enfance où son père le battait à coups de ceinture. Il s’était promis de ne jamais se comporter ainsi avec ses propres enfants, il a tenu parole et, pourtant, son fils Jamie est incarcéré, accusé d’avoir poignardé une camarade de classe. Comment est-ce possible ? La série ne donne pas de réponses simples ou univoques, mais aborde un faisceau de facteurs qui généreraient la violence misogyne chez les adolescents. « Cette série est un prisme pour comprendre tous les enjeux de notre société sur le masculin et la garçonnité », nous explique l’historien du genre Ivan Jablonka. Crise de la masculinité ou conflit intérieur des hommes ? Dans ce numéro, nous avons voulu explorer ce qui fonde les masculinités aujourd’hui à travers les injonctions sociales, la transmission père-fils, mais aussi la biologie et les représentations culturelles. Le pluriel semble plus approprié pour aborder « les masculinités », tant les modèles varient voire se confrontent.

Les normes qui se muent si vite en « prison de genre », pour les hommes comme pour les femmes, se nichent partout. Dans le travail où les hommes sont tenus de trouver leur identité pour fonder leur valeur et leur reconnaissance sociale. Dans la sexualité, comme le montre le recours à la pornographie, qui appuie des formes « déjà instituées de la construction de la masculinité ». Même le rire est imprégné de stéréotypes : il est préférable que l’homme fasse rire et que la femme soit celle qui rit, explique Olivia Gazalé.

Ces masculinités normatives sont-elles incontournables ? Dans un monde idéal, le genre ne serait plus un enjeu d’identité sociale. En attendant, n’y a-t-il pas la place pour d’autres modèles moins enfermants, inégalitaires et violents ? La comédie Le Mélange des genres, en salle le 16 avril, tente une voie. Benjamin Lavernhe, qui incarne un homme féministe, confie : « C’est difficile d’être un homme aujourd’hui quand on n’a plus pour but de devenir un mâle dominant. On a tellement été formaté pour ça. Il va falloir apprendre à être doux. » « Nous aussi on a été formatées pour ça, pour aller vers les mâles dominants, répond son interlocutrice, jouée par Léa Drucker. […] Il nous faudra apprendre à aimer les doux. » Elle fait écho à la révolution prônée par la grande intellectuelle militante américaine bell hooks. Une révolution fondée sur l’éthique de l’amour. 

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