PARENTS éclairés, soucieux de l’égalité des sexes, vous élevez vos jumeaux de manière identique. À Noël, il n’était pas question d’offrir une poupée Barbie à Vanessa et un fusil-mitrailleur à Corentin. Très attentifs au langage, vous avez critiqué la première leçon qu’ils ont reçue à l’école sur la distinction des genres et les pronoms appropriés : « le boulanger, la boulangère ; un gardien, une gardienne… » Pourquoi le féminin dériverait-il du masculin ? Ne fallait-il pas choisir d’abord des mots épicènes (la pianiste, le pianiste…) ou des objets inanimés (un couteau, une fourchette…) ? La maîtresse a dit d’un ton pincé qu’elle réfléchirait à votre remarque.

Mais voilà que vos enfants découvrent maintenant l’accord de l’adjectif. Le jardin est beau, la maison est belle, donc le jardin et la maison sont beaux. « Pourquoi beaux et pas belles ? » vous a demandé Corentin, qui se sent parfois garçon, parfois fille, et parfois ni l’un ni l’autre. « Parce que le masculin l’emporte sur le féminin », avez-vous répondu spontanément, avant de mesurer l’horreur de cette formule. Inutile d’aller embêter la maîtresse avec ça : elle vous rappellerait qu’en français, il n’y a que deux genres, le féminin et le masculin, et que ce dernier fait office de neutre. On dit « il pleut » sans suggérer pour autant que la pluie est masculine.

Les partisans de l’écriture inclusive n’ont pas réussi à imposer des pronoms transgenres, comme iel. Ni des compositions alambiquées (musicien(ne)[s], musicien·nes, musicien·ne·s, musicien-ne-s), aussi imprononçables que difficiles à enseigner. Faute de troisième genre, on recourt au doublet, chères lectrices, chers lecteurs, pour désigner le genre humain. Que cellezéceux qui ont autre chose à proposer lèvent la main. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !