Un jour, je discutais de natation avec Philip Roth : il s’avère que nous aimions tous deux faire des longueurs, même s’il nageait bien plus vite et plus longtemps que moi. Il m’a interrogée : « À quoi penses-tu à chaque longueur parcourue ? » Je lui ai répondu la vérité, si ennuyeuse soit-elle : « Je pense : une longueur, une longueur, une longueur et ensuite deux longueurs, deux longueurs, deux longueurs, et ainsi de suite. » Ça l’a fait rire. « Tu veux savoir à quoi je pense, moi ? » Je voulais bien. « Je choisis une année. Disons 1953. Et puis je pense à ce qui s’est passé dans ma vie ou dans mon cercle proche cette année-là. Puis je passe à ce qui s’est produit à Newark, ou New York. Puis en Amérique. Et enfin si je tiens la distance, je peux attaquer l’Europe. Et ainsi de suite. » Ça m’a fait rire. Cette énergie, cette ambition, cette précision, cette envergure, cette curiosité, cette volonté, cette intelligence. Philip Roth à la piscine était le même que Philip Roth à son pupitre. Il était écrivain jusqu’au bout. Chez lui, ce n’était pas dilué parmi d’autres choses, comme c’est le cas – fort heureusement – pour le reste d’entre nous. Il incarnait l’écriture à l’état pur, et tout ce qu’il faisait était au servic

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