Le suffixe cide, tiré du latin caedere, signifie tuer. Ainsi, un vermicide détruit les vers, de même qu’un insecticide élimine les insectes nuisibles. Mais pesticide ? « Ce mot est mal formé », remarquait le linguiste Alain Rey, puisque peste n’a pas le sens de « parasite ». Encore un coup des Anglais ! Ce sont eux en effet qui nous l’ont refilé : pest désigne chez eux un ravageur, un ennemi des cultures. Nous avons adopté « pesticide » les yeux fermés, comme tout ce qui vient de la langue de Shakespeare et de l’Oncle Sam. Mais l’honneur national est sauf, car, au xvie siècle, pest avait lui-même été emprunté au français peste

Toujours est-il que « pesticide » est entré dans le langage courant. On n’entend personne employer l’expression « produit parasitaire à usage agricole » utilisée par l’administration française. Et, finalement, ce mot copié de l’anglais correspond bien aux inquiétudes actuelles : sa sonorité évoque une effrayante maladie infectieuse qui sévit toujours dans certaines régions du monde et avait décimé un bon tiers de la population européenne au milieu du xive siècle. La « peste noire », qu’on attribuait alors à la colère divine, était combattue – sans succès – par toutes sortes d’activités pieuses (offrandes aux saints protecteurs, autoflagellations…) et de breuvages à base de sang de vipère ou de bave de crapaud.

Aujourd’hui, nombre d’agriculteurs pestent contre la dénonciation des pesticides. Ils affirment ne pas pouvoir se passer de ces décoctions miraculeuses utilisées pour prévenir, contrôler ou éliminer des insectes, des plantes ou des bactéries indésirables. C’est ça, disent-ils, ou mettre la clé sous la porte et affamer les populations. La peste ou le choléra. 

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