À quoi rêve Thomas Pesquet ? Alors que la navette futuriste Crew Dragon, conçue par l’entrepreneur Elon Musk, doit s’envoler le 22 avril à 12 h 11 (heure française), de Cap Canaveral, en Floride, pour rejoindre la Station spatiale internationale (ISS), 400 km au-dessus de la Terre, la question se pose plus que jamais. Quel est son rêve à lui ? Et quel imaginaire fait-il naître en chacun de nous, dans ce moment où l’humanité, pandémie oblige, voit ses horizons se réduire ?

Pour risquer une réponse, il faut voir ou revoir le film Thomas Pesquet : objectif Mars, tourné peu après la première mission de 196 jours du spationaute à bord de l’ISS, entre novembre 2016 et juin 2017. Dès les premières images tournées à Lanzarote, cette île des Canaries devenue lieu d’entraînement privilégié des spationautes, le décor est planté, terre cramoisie et chaînes volcaniques. « Aller sur Mars est l’ambition de sa vie, dit le commentaire. Faire partie, un jour peut-être, des équipages qui s’élanceront vers la planète rouge. » Dans ce documentaire passionnant, Thomas Pesquet explique que « 50 % de ce qui est fait dans l’ISS a pour but final d’envoyer l’homme encore plus loin dans l’espace ». Mais s’agissant de Mars, il faudra encore du temps – vingt ans, trente ans ? – avant qu’un vol habité puisse raisonnablement espérer s’y poser, même si Elon Musk prétend pouvoir réussir l’exploit en 2024…

 

Pareil voyage se heurte en effet à d’énormes obstacles. Physiologiques d’abord. Comment supporter un vieillissement accéléré des parois artérielles, des cellules, du système cardio-vasculaire, dans un milieu martien véritablement hostile à l’homme, configuré depuis la nuit des temps par la gravité terrestre ? Comment résister à la fonte des muscles ? Comment se protéger des radiations démultipliées sur Mars ? Comment atteindre ensuite une autonomie alimentaire absolue ? Pas question d’embarquer de la nourriture pour un voyage de 400 millions de kilomètres (!), estimé à 640 jours, six mois aller, un mois sur place, et 15 mois retour, quand la fenêtre orbitale s’ouvre pour rentrer au bercail ? Comment, enfin, supporter le choc de l’atterrissage – ou plutôt de l’amarsissage, comme chantait Boris Vian dans La Java martienne ou dans Petits spectacles (« Je ne vais tout de même pas amarsir sur Mars avec une fusée dégueulasse… ») ? L’atmosphère est si fine sur la planète rouge qu’il faudrait inventer une puissance de freinage inouïe pour qu’un véhicule de trente tonnes ne soit pas pulvérisé avec ses habitants. Alors, comment rester en vie ?

On le voit, le rêve de Thomas Pesquet est lointain. Peut-être inaccessible. Mais en attendant, il nous le fait partager. Et nul doute que l’émotion sera au rendez-vous dans les prochaines semaines, quand le spationaute normand cultivera ses œillets. Ou flottera seul dans l’espace, au bout d’un immense bras articulé. 

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