On se souviendra de cette petite phrase de Jacques Chirac : « Un chef, c’est fait pour cheffer. » Dans les années 1970, l’ex-officier de cavalerie ayant servi en Algérie avait le physique de l’emploi : dépassant d’une tête ses électeurs, le visage taillé en lame de rasoir, il partait à l’assaut du pouvoir avec l’énergie d’un sabreur et un débit mitraillette. 

Chacun son métier : un coiffeur, c’est fait pour coiffer, et un chef, pour cheffer. Le Chirac qui lançait des années plus tard ce verbe absent du dictionnaire n’était pas un chefaillon : il avait gravi à la hussarde toutes les marches de la République. Au sujet d’un de ses ministres trop gourmand –  en l’occurrence Nicolas Sarkozy –, il assurait : « Je décide et il exécute. » Mais cela ne convainquait qu’à moitié. Le chef de parti devenu chef de l’État s’était arrondi, adouci. Son radical-socialisme supplantait son bonapartisme. Plus doué pour conquérir le pouvoir que pour l’exercer, il se montrait prudent, louvoyant, hésitant à engager de grandes réformes. Ce qui lui avait valu, de la part du même Sarkozy, le qualificatif de « roi fainéant ». Bref, un chef ne sachant pas cheffer.

En réalité, le grand fauve cachait un homme complexe. Celui qui passait au départ pour un énarque guindé était proche des gens, et même des bêtes, flattant comme personne le « cul des vaches ». On a découvert peu à peu « un type sympa », affectueux, rigolard, roublard, mais pudique, armé de quelques solides convictions, incarnant plutôt bien la France et les contradictions des Français. Un chef, n’est-ce pas fait aussi pour rassembler, guider, rassurer et, si possible, être aimé ?  

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