« Nous travaillerons avec nos partenaires pour empêcher l’accès de l’Iran à l’arme nucléaire et neutraliser l’influence pernicieuse de l’Iran », tels sont les deux objectifs fixés dans le nouveau document de stratégie nationale présenté par le président Trump le 18 décembre dernier. L’Iran prend ainsi place dans la liste étroite des États les plus cités comme menaçant la sécurité et les intérêts des États-Unis (17 fois), aux côtés de la Corée du Nord (16 fois), de la Russie (25) et de la Chine (33).

Cette obsession iranienne est cohérente avec la remise en cause par Donald Trump de l’accord sur le nucléaire iranien agréé le 14 juillet 2015, par les États-Unis d’Obama et les quatre autres membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, ainsi que l’Allemagne. Elle lui permet en outre d’affirmer que l’absence de règlement de la question palestinienne due au blocage israélien n’est pas la cause des tensions au Moyen-Orient, qui tiendraient avant tout à l’expansion régionale de l’Iran. Il en découle un soutien aux rapprochements en cours entre Israël et plusieurs États arabes sunnites face au « péril iranien ».

Situation insupportable pour les Saoudiens, l’Iran est bel et bien devenu la première puissance non arabe du Moyen-Orient. Cette réalité procède d’abord de l’intervention désastreuse des États-Unis en Irak en 2003. Une opération qui a offert à l’Iran ce que la longue guerre avec l’Irak (1980-1988) n’avait pu permettre : l’élimination de Saddam Hussein, son ennemi juré. Ce conflit est le point de départ de la politique régionale de l’ancienne Perse. Vu de Téhéran, l’Irak ne doit plus jamais être une menace. Les Irakiens sont certes chiites à 70 %, mais ils sont d’abord arabes et patriotes. Téhéran considère l’Irak voisin comme un glacis protecteur et comme le pays abritant les lieux centraux de pèlerinage du chiisme, Nadjaf et Karbala. C’est également un pays riche en pétrole (Kirkuk), qui possède une voie d’accès terrestre au Proche-Orient et à la Méditerranée, aussi bien que vers l’allié syrien et le Hezbollah libanais. La continuité territoriale est acquise aussi longtemps que tient le régime de Damas. 

Dans le golfe qu’il convient de nommer « Persique » au regard de l’histoire, l’Iran a bénéficié des erreurs de la diplomatie saoudienne : le blocus contre un Qatar jugé trop indépendant (par son soutien aux Frères musulmans et la tonalité de la chaîne Al Jazeera) a échoué. Il a même eu pour effet de rapprocher Doha du sunnisme rigoriste de la Turquie, mais aussi de l’Iran, avec qui il partage le plus grand champ de gaz naturel du monde, North Dome / South Pars. Au Yémen, les Émirats arabes unis combattent aux côtés des Saoudiens les Houthis soutenus de loin par Téhéran. En même temps, Dubaï a été la place commerciale de l’Iran pendant la période des sanctions et est aujourd’hui la capitale financière de l’Iran. 

Dans l’Orient compliqué, il est pourtant une idée simple : la stabilité dépend d’un accord de partage d’influence entre Riyad et Téhéran. Un siècle après l’accord anglo-français Sykes-Picot de 1916 qui divisa la région en mandats, lointaine origine des États actuels, à quand un accord entre Adel Al-Joubeir et Javad Zarif, les ministres des Affaires étrangères des deux puissances régionales ? Car c’est à eux qu’il revient d’en décider, et non aux Européens, aux Américains ou aux Russes. À quand également la mise en place d’une organisation de sécurité collective au Moyen-Orient, pour sortir ces peuples d’une trop longue guerre de Trente Ans ? Il faudra bien que la création d’une entité palestinienne fasse partie de l’équation. Mais à court terme, en 2018, la volonté américaine de faire reculer l’Iran comme acteur régional est lourde de très graves convulsions. La révolution sociale qui s’annonce est déjà l’occasion pour Washington de dégrader l’image de l’Iran et de sa tendance réformatrice incarnée par le président Hassan Rohani. 

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