CE SERA, au propre comme au figuré, un cadeau monumental : la Chine va offrir à Trèves, la ville natale de Karl Marx, une statue du grand homme faisant 6,30 mètres de hauteur. Si mes calculs sont exacts, la célèbre barbe de l’intéressé devrait atteindre 40 centimètres. Mais sait-on que l’auteur du Capital a fini ses jours imberbe ?

En février 1882, souffrant de graves troubles respiratoires, Marx se rend à Alger sur le conseil de ses médecins. Le 28 avril, il écrit à Engels : « Pour plaire au soleil, je me suis débarrassé de ma barbe de prophète… » Après avoir sacrifié cette merveille fleurie sur l’autel d’un barbier de la Casbah, il se fait photographier. On a peine à le reconnaître dans ce bourgeois malingre, au petit visage barré d’une simple moustache noire.

Pourquoi, de sa pilosité passée, Marx a-t-il voulu faire table rase ? Mettre cela sur le compte du soleil n’est guère éclairant. On ne se débarrasse pas sans raison impérieuse d’un attribut qui a forgé son image. Mais nous entrons ici dans le mystère de la barbe dont la signification varie selon les époques et les cultures. Elle divise les musulmans, après avoir été considérée comme une prescription du Prophète : aujourd’hui, un barbu passe aisément pour islamiste. Signe de respectabilité sous la IIIe République, le poil au menton a été au contraire une manière de défier l’ordre établi avec les hippies, et même un symbole révolutionnaire avec Castro et Guevara… Mais que dire de la barbe de trois jours, très à la mode en France depuis quelque temps ?

Reste que le soleil d’Alger n’a pas guéri Karl Marx : il est mort l’année suivante sans avoir repris du poil de la bête. 

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