Toujours vivant !
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Avec la faillite du communisme en Union soviétique et la conversion de l’économie de la Chine populaire au capitalisme d’État, on pouvait croire le marxisme définitivement enterré. Marx dans les poubelles de l’histoire ! Saisissante, l’image a paru conforme durant une vingtaine d’années au nouveau monde surgi sur les ruines du mur de Berlin, après sa chute en novembre 1989.
Cette image est aujourd’hui dépassée. À nouveau, on lit le Manifeste du parti communiste (1848) de Karl Marx, on l’étudie à l’université et il n’est plus malséant de le citer. Dès 2013, l’économiste Thomas Piketty proposait, dans un livre qui allait connaître un succès mondial, sa lecture du libéralisme économique contemporain, en lui donnant pour titre : Le Capital au xxie siècle. Cela valait hommage à Marx et à son maître livre, Le Capital, paru voilà cent cinquante ans. Plus étonnant encore, les œuvres de Karl Marx sont à présent lues et étudiées aux États-Unis, saluées dans des cercles sans doute restreints mais influents. Dernier jalon de cette fortune critique croissante, le beau et puissant film de Raoul Peck, Le Jeune Karl Marx.
Comment expliquer cette renaissance, sinon en commençant par reconnaître dans ce penseur allemand, réfugié en Angleterre, un visionnaire. Il y avait, dans ce diable d’homme, un penseur et un militant, un observateur et un prophète. Lui et son fidèle camarade Friedrich Engels ont osé regarder le monde avec un regard neuf et pour tout dire révolutionnaire, lavé des préjugés de leur classe, débarrassé de tout un bric-à-brac intellectuel déjà obsolète. Cela a permis à Marx de mettre au point ce qu’il faut bien appeler le marxisme, même s’il fut le premier à proclamer : « Moi, je ne suis pas marxiste ! » Les notions de prolétariat (défini comme une classe s’opposant à la classe capitaliste), de lutte des classes (constatée aujourd’hui avec évidence), d’aliénation (idée hégélienne revue et corrigée) et in fine de mondialisation lui doivent beaucoup. Nous publions dans ce numéro une sélection d’extraits de son œuvre, parmi les plus célèbres, qui les éclairent.
Bref, Marx respire encore et nous surprend par ses dons, tour à tour journaliste, historien, sociologue, économiste et philosophe. Il ne s’agit ici nullement de se prosterner devant la figure d’un grand gourou. Ni de minorer l’appel à la violence contenu dans son programme d’action. Ni à l’inverse de lui imputer tous les errements tragiques des régimes communistes du xxe siècle. Juste de mesurer la richesse de ses recherches, de ses vues, de sa capacité d’anticipation. Ainsi est-il parvenu à imposer l’économie en majesté comme clé pour comprendre nos sociétés. Un paradoxe, pour un spécialiste de la philosophie politique…
Raymond Aron (1905-1983), l’un des rares penseurs qui sut s’affranchir d’un monde universitaire globalement survitaminé au marxisme et ne rien céder aux intellectuels de gauche de sa génération, rendait grâce à sa capacité d’analyse. Le respect d’un adversaire pèse parfois plus lourd que celui d’un admirateur.
« La force de son œuvre est son inachèvement »
Pierre Dardot
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[Barbe]
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