Organisme privé d’études économiques, l’institut Rexecode fait régulièrement la une des médias en affirmant, chiffres à l’appui, que les Français travaillent moins que leurs voisins allemands. Selon ces analystes, la durée annuelle moyenne de travail des salariés à temps complet serait même en France « la plus faible (avec la Finlande) de tous les pays européens ». Exploitant des données diffusées par Eurostat, ils estiment la durée moyenne de travail d’un salarié à temps complet à 1 661 heures en France en 2013, soit 186 heures de moins qu’en Allemagne.

Ces analyses confortent l’image d’une France oisive, dépassée par une Allemagne occupée à produire. Mais ce constat masque la moindre fréquence des temps complets en Allemagne : 74 % des salariés, contre 82 % en France. L’Allemagne a vu au cours des années 2000 croître rapidement le nombre de ses emplois à temps partiel, très souvent féminins. Si bien qu’aujourd’hui, les emplois créés sont exclusivement de ce type – le nombre d’emplois à temps complet ayant quant à lui tendance à reculer. In fine, lorsque l’on ajoute dans le paysage les temps partiels, l’écart des durées de travail entre la France et l’Allemagne s’estompe presque totalement et le « retard » français tombe à 32 heures.

Des travaux récents instillent un doute qui pourrait même conduire à inverser cet écart. Les estimations données dans ces études proviennent de l’Enquête européenne sur les forces de travail (EFT-UE), vaste dispositif qui interroge directement les personnes sur leur emploi, notamment sur les heures qu’ils ont effectivement travaillées. La qualité des estimations dépend de la précision des réponses données, notamment en ce qui concerne les absences au travail venant minorer la durée cumulée dans l’année (congés, jours fériés, maladie, etc.). Or les enquêtés allemands oublient plus souvent que leurs homologues français de signaler ces absences, conduisant à une sur­estimation de leur temps travaillé.

Les statisticiens européens, avertis de ce biais, travaillent à mieux l’analyser et le résoudre. En attendant, ils conseillent la plus grande prudence dans l’usage de ces chiffres, trop souvent détournés au profit de discours partisans. 

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