Avant-hier, on était catholique ou protestant, girondin ou jacobin, royaliste ou républicain. Le curé s’opposait à l’instituteur, le dreyfusard à l’anti­dreyfusard, en attendant que résistants et collabos en viennent aux mains.

Hier, on était marxiste ou libéral, antiaméricain ou antisoviétique. Giscard incarnait le grand capital et Marchais avait le couteau entre les dents.

Aujourd’hui, on est pour ou contre les 35 heures, pour ou contre le mariage gay. Mais pas entièrement, pas tout à fait. Juppé séduit des électeurs socialistes, Macron fait un malheur dans le xvie arrondissement. Le « oui, mais » s’est installé. On n’est ni ceci ni cela. Ou alors ceci et cela. À l’image des « rurbains » qui sont un peu de la ville et un peu de la campagne, on a un pied de chaque côté, dans une sorte de métissage des opinions. Des nouveautés techniques brouillent un peu plus les frontières. Entre le fumeur et le non-fumeur s’est glissé le vapoteur. L’automobiliste n’est plus essence ou ­diesel : le moteur électrique court-circuite les pompes, et l’hybride gagne chaque jour du terrain.

La passion gauloise pour la symétrie (gauche-droite, nord-sud, public-privé…) serait-elle éteinte ? La France est moins crispée, moins dressée sur ses ergots qu’il y a quarante ou cinquante ans, même si une partie de sa population se trouve dramatiquement marginalisée. Cette société moins raide et plus consensuelle que dans les années soixante ou soixante-dix est, en même temps, moins sûre d’elle-même, plus floue. C’est une aubaine pour les fanatiques, qui n’ont même plus besoin de viser : ils tirent dans le tas. 

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