Le clivage qui oppose les métropoles aux zones périphériques s’inscrit dans le temps long. Il se cristallise après une longue période de recomposition économique du territoire qui a donné naissance à des zones de fragilité économique et sociale, situées dans ce que j’appelle la France périphérique. 

La France périphérique se compose des petites villes, des villes moyennes et des zones rurales. Elle regroupe environ 60 % de la population française. C’est également dans ces territoires que vit la majorité des catégories modestes : ouvriers, employés au salaire faible, petits paysans, jeunes et retraités issus de ces catégories. Le clivage social recoupe le clivage territorial. La question de la France périphérique est celle de l’éloignement.

Auparavant, il y avait une logique d’intégration économique de la classe ouvrière, qui vivait dans les zones industrielles. Pour la première fois dans l’histoire, les catégories populaires ne vivent pas là où se créent l’emploi et la richesse, et cela concerne toutes les régions. Au niveau politique, cela produit les conséquences que l’on connaît : la cartographie électorale des dernières régionales fait émerger précisément le vote de la France périphérique. Le vote Front national est porté par la fragilisation sociale des catégories modestes qui vivent sur ces territoires et par l’anxiété que celles-ci ressentent à l’égard des flux migratoires, qui n’arrivent pas dans leurs villages, mais dans la grande métropole du coin. Cela montre bien une nouvelle structuration du territoire et fait émerger une nouvelle carte politique qui s’inscrit dans la durée, effaçant la carte traditionnelle. 

Nous ne pouvons pas espérer en un retour en arrière, mais il faut s’interroger. Aujourd’hui, l’idéologie qui prime est celle de la métropolisation/mondialisation et il est difficile de faire passer l’idée que l’on peut penser à un développement économique spécifique pour la France périphérique. Un développement spécifique ne sous-entend pas la création d’un modèle alternatif, il y aura toujours besoin des métropoles, car elles produisent de la richesse (les deux tiers du PIB français). En revanche, il faudrait se poser la question : « Est-ce que l’économie fait société aujourd’hui ? » Je pense que ce n’est plus le cas. 

 

Propos recueillis par MARTINA MAGRI

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