De l’éthique dans l’assiette
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L’Observatoire des éthiques alimentaires, que nous avons lancé cette année avec l’Obsoco (Observatoire société et consommation), nous livre des résultats éclairants pour comprendre le rapport des Français avec leur alimentation. Conduite en juin 2017 sur la base d’un échantillon de 4 040 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 70 ans, notre étude confirme avant tout une de nos intuitions, issue d’une précédente enquête : aujourd’hui, 80 % des Français affirment porter une attention croissante à la qualité des produits alimentaires qu’ils consomment. Ce qu’ils mettent derrière le terme de « qualité » dépasse de beaucoup le goût et le plaisir associé à la dégustation. L’innocuité des aliments, voire leur capacité à nous aider à vivre mieux, est également très présente, parallèlement à la dimension de responsabilité (protection de l’environnement, des petits producteurs, des animaux…). Notre sentiment s’est confirmé que le rapport à l’alimentation s’était progressivement enrichi d’une dimension éthique, au sens de ce que l’on associe à une « vie bonne ». Nous avons testé, par exemple, les images qui représentent le mieux l’idée que les personnes sondées se font d’une viande de qualité : au visuel illustrant une étiquette certifiant la provenance de la viande ou à celui présentant un éleveur près de ses bêtes, sept sondés sur dix préfèrent l’image de la vache broutant tranquillement dans son pré au milieu des montagnes, symbole sans doute d’un bien-être animal et d’une naturalité garants de bienfaits pour la santé.
Cette dimension éthique du rapport à l’alimentation n’est pas sans lien avec la diffusion des régimes alimentaires permanents, qui ne concernent cependant que 21 % de la population. Si 8 % des personnes interrogées se disent « flexitariennes » (adeptes d’une moindre consommation de viande), 4 % affirment manger sans sucre ou sans viande rouge, ou prendre des compléments alimentaires. Les régimes sans sel et les végétariens concernent chacun 3 % de la population, les sans lactose, halal ou sans gluten ne rassemblant chacun que 2 % des réponses. Seuls 1 % des répondants mangent exclusivement bio, et seulement 0,4 % se disent véganes. La majorité de ces modèles alimentaires ont un écho médiatique bien supérieur à la réalité de leur diffusion ! Et il en va de même pour les régimes occasionnels, type régime amincissant (seuls 17 % des Français en ont fait un dans les douze derniers mois), cure de détox (13 %) ou jeûne (11 %, dont 3 % en raison de leurs pratiques religieuses).
Pour autant, au-delà de ces « radicalités alimentaires », c’est bien à un mouvement général d’évolution des normes alimentaires que nous assistons. Ainsi, l’enquête révèle que 53 % des répondants ont modifié significativement le contenu de leur alimentation au cours des dernières années, en réduisant notamment leur consommation de viande rouge et en augmentant celle de fruits et de légumes. 37 % déclarent même avoir diminué les quantités d’aliments ingérées « en vue d’une alimentation plus frugale ». Nous sommes clairement dans le « moins manger pour mieux manger ».
L’étude propose une typologie des Français selon leurs comportements alimentaires. Les quatre groupes identifiés – qui se distinguent notamment par leur degré de rupture par rapport au régime standard – sont associés à des éthiques différenciées. Par exemple, les 62 % des Français qui restent attachés au régime standard se montrent sensibles à une éthique du « sain », témoignant d’une prise de conscience générale du lien entre alimentation et santé. À l’autre extrême, les « radicaux » (7 % de la population), très versés dans une radicalité alimentaire qui prend l’allure d’une véritable ascèse, sont animés par une éthique qu’on pourrait dire de la « pureté morale ». Ils développent une approche militante de leur alimentation, en rupture avec le modèle « industriel ». Très sensibles aux enjeux environnementaux et à la cause animale, ils sont également très attentifs à leur propre santé et soupçonnent les grands acteurs de l’offre de nuire à leur intégrité physique. Ils sont peu nombreux mais convaincus de faire partie d’une avant-garde et se montrent prosélytes. Nous avons également identifié un groupe dont le régime alimentaire est marqué par le « sans » qui s’inscrit dans une posture sécuritaire et égocentrée de recherche de produits qui ne leur soient pas nocifs.
Le poids de la dimension éthique, comme son hétérogénéité en fonction du profil des personnes, rend très délicat le positionnement des marques et des enseignes sur le marché alimentaire. Elles doivent ainsi tout à la fois répondre à l’exigence générale d’innocuité et à une quête de sens plus subtile, dans un contexte de très forte défiance. La filière n’a pas terminé de se restructurer…
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