Leur livre Quand l’austérité tue. Épidémies, dépressions, suicides : l’économie inhumaine vient de paraître aux éditions Autrement.

 

Les experts du FMI avaient calculé que les dépenses publiques de santé en Grèce devaient être ramenées à 6 % du PIB, quand la moyenne dans l’Union européenne se situe à 10 %. Le ministère de la Santé vit donc son budget annuel amputé de 40 %, dans une situation de détresse générale où la demande de soins augmentait très fortement. Tous les postes étaient touchés, médicaments inclus. Résultat : les laboratoires pharmaceutiques ont retiré plus de 200 références du marché grec. À titre d’exemple, la société Novo Nordisk a quitté le pays, privant d’un coup 50 000 diabétiques d’insuline.

Chute de 15 % de la fréquentation des médecins et dentistes. Hausse de 25 % des arrivées aux services d’urgence des hôpitaux, quand 35 000 emplois de médecins et autres professionnels de la santé ont été supprimés. La dégradation de la santé publique en Grèce est édifiante. Plus 40 % de mortalité infantile, plus 47 % de besoins sanitaires non satisfaits respectivement en 2010 et 2011 par rapport à 2008. À la suite de ces coupes budgétaires, au moins 60 000 individus de plus de 65 ans ont dû se passer de soins. Par ailleurs, l’incidence des maladies infectieuses a explosé. Pour la première fois depuis quarante ans, une épidémie de malaria se déclara dans le pays. Athènes connut en 2011 une recrudescence d’infections par le VIH. Motif : le centre de contrôle et de prévention des maladies estimait qu’il n’y avait alors « plus que trois aiguilles propres par an disponibles pour chaque usager de drogues ». Les associations de soutien psychologique constatèrent un doublement du nombre moyen des appels quotidiens. En 2009, le taux de suicide avait augmenté de 20 % chez les hommes par rapport à 2007.

La réaction des pouvoirs publics face à ces données fournit l’un des aspects les plus troublants de cette situation. Elle consista, d’abord, à ne pas collecter ni publier de nombreuses statistiques standard. Ensuite, la puissance publique a systématiquement minoré l’impact de l’austérité. La hausse des dépressions et des suicides ? Une surinterprétation prématurée. La propagation du sida ? Le fait des « immigrés d’Afrique du Nord et d’Europe de l’Est infectés et entrés dans le pays »… À dire vrai, le pouvoir en place était lui-même soumis à une pression des institutions internationales qu’il pouvait difficilement assumer publiquement. Comme cette injonction du FMI de juillet 2011 : « L’objectif est de réduire le nombre de pensions d’invalidité à moins de 10 % du nombre total des pensions », qui conduisit à réviser les critères de l’invalidité pour réduire les indemnités ou même les annuler.

Pendant ce temps, la grande majorité des sommes débloquées par le FMI et la BCE pour aider la Grèce… repartaient sitôt arrivées vers ses créanciers, aux États-Unis et dans les grands pays européens. Imposer cette épreuve à la Grèce n’était pas tant une stratégie économique que politique. Il s’agissait d’un avertissement au reste de l’Europe et du monde : obéissez aux règles de l’élite bancaire, sinon…

La santé est pourtant le secteur d’activité où l’investissement génère le meilleur « multiplicateur » en termes d’emplois et de croissance. La principale source de richesse d’une société, c’est sa population. Investir dans la santé de tous est un choix sage en période faste, et une impérative nécessité en ces temps difficiles. 

Adapté par la rédaction du 1

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