Les commentateurs -comparent souvent la -gestion des États à celle des ménages : c’est « en bon père de famille » que les budgets nationaux doivent être tenus ! Mais cette image est trompeuse : infiniment plus complexe que celui d’un ménage, l’établissement du budget d’un État est en soi une construction éminemment politique. 

Tenus par les instituts nationaux de statistique, les comptes de la nation font la synthèse de tous les flux monétaires à l’intérieur et aux frontières d’un territoire. En avril 2009, Eurostat, l’institut de statistique européen, procède à la validation des chiffres grecs : le déficit public s’établirait l’année précédente à 5 % du produit intérieur brut, un niveau très moyen en Europe. La droite au pouvoir prédit un déficit à 6 % en 2009, en légère augmentation. Mais coup de théâtre fin 2009, le gouvernement socialiste nouvellement élu annonce un déficit plus que doublé : 12,7 % ! La Grèce devient subitement le pays le plus endetté d’Europe. Les événements se succèdent, implacables : défiance des marchés, hausse des taux, alourdissement de la charge de la dette, plans d’austérité et crise sociale majeure – malgré plusieurs tentatives européennes de sauvetage.

Quelles découvertes ont conduit le gouvernement grec à appuyer sur la détente de ce mécanisme fatal en 2009 ? Les experts parlent d’une sous-évaluation de certaines dépenses de l’État (notamment en armement et en santé) et de dettes contractées par des entreprises publiques indûment exclues du déficit public. Ces conclusions font aujourd’hui encore débat, au point que des responsables grecs sont accusés d’avoir artificiellement gonflé le déficit. Édictées par Eurostat, les règles d’inclusion et d’exclusion de ces montants dans la dette publique ne font pas consensus et sont de fait diversement appliquées.

L’expertise des comptes grecs a en tout cas permis de mettre à jour une vaste opération de maquillage opérée avec l’aide de Goldman Sachs : pour la somme de 200 millions de dollars, cette grande banque d’investissement a aidé la Grèce à escamoter un milliard d’euros de dette avec les outils de la « finance créative » (temporairement seulement). Si la Grèce n’est pas le seul pays à recourir à ce type de techniques, elle en paie aujourd’hui le prix.

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