Un électrochoc nécessaire
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Comme dans le roman de Maylis de Kerangal Réparer les vivants, la France aurait besoin d’un miracle : une transplantation du cœur. Le grand succès de ce livre est symptomatique d’un réel besoin de « réparation », plus que de « consolation » comme le réclamait pour l’humanité l’écrivain suédois Stig Dagerman.
Le peuple français ne fait plus confiance aux politiques, se méfie aussi des médias qui participent à leur manière à la dramatisation des problèmes. La lutte des classes, même si on ne prononce plus ces mots, se poursuit et prend des formes inédites. Des révoltes sont plausibles. Des colères existent et se traduisent parfois par des gestes désespérés.
Si j’ai pensé à cette métaphore, c’est parce que le problème de cette société dépasse les clivages gauche-droite.
L’influence culturelle de la France est mise à rude épreuve partout dans le monde. Pourquoi cette absence de confiance, ce changement de regard, cette appréciation négative, ou du moins indifférente, nourrie par un ensemble d’erreurs et de maladresses ?
Dès que surgissent des difficultés économiques, le réflexe immédiat des politiques est de tailler dans le budget de la coopération culturelle. Ils pensent qu’en faisant des économies sur les instituts français, vitrines et visage de la France que les étrangers aiment, ils résoudront des problèmes d’intendance et partant de finances.
Erreur ! Si la France a joui jusqu’à dernièrement d’une présence appréciable et jalousée par les autres cultures, c’est parce qu’elle avait misé sur ce qu’elle exporte le mieux : la langue, l’intelligence, la pensée, l’imaginaire, l’art, la mode… C’est grâce à cet ensemble de biens culturels riches et originaux, authentiques et enchanteurs, que la France a réussi à développer ses échanges commerciaux et à signer des contrats importants.
Heureusement que le cœur de Simon, le donneur de Réparer les vivants, exprime tous les sentiments et toutes les émotions sans passer par une langue précise. Si l’on parvenait à transplanter ce cœur jeune et fort à toute une société, on pourrait renouer avec les anciennes espérances, celles qui firent de la France une grande nation surtout après avoir tourné la page de la colonisation et du complexe de supériorité.
J’imagine que le cœur de Simon est sain, c’est-à-dire sans préjugés, allergique au racisme, à la xénophobie, à la haine du juif ou du musulman. Le cœur de Simon a la passion d’entreprendre, de prendre des risques, de suggérer plus de souplesse chez les politiques, de convaincre ces mêmes élus de mettre en veilleuse leurs intérêts personnels pour privilégier ceux de la nation.
Vœux pieux, rêves récurrents, espérances vaines ? Peut-être qu’une transplantation ne suffirait pas, encore faudrait-il un électrochoc, quelque chose qui, par son ampleur, par sa violence, réveillerait pour de bon une société qui a plus besoin que jamais d’une révolution culturelle, une remise en question de tout avec le souci crucial de garantir justice et égalité entre tous les citoyens. Revenir aux choses simples et vraies, renouer avec les valeurs au moment où les bouleversements des nouvelles technologies nous inondent d’illusions au point de faire oublier morale et conscience. Accepter le nouveau paysage humain de la France qui prend des couleurs au lieu de croire et faire croire que l’identité française est menacée ou malheureuse. Oui, il est possible d’hériter et de transmettre, comme il est essentiel de découvrir l’altérité et ses sacs pleins d’épices. Répudier la peur et oser l’exigence pour vivre ensemble même si quelques disputes sont à prévoir. Elles font partie du pari de cette réparation dont a besoin le pays.
Tels sont les souhaits du cœur de Simon. Quant à la dame qui serait sauvée par ce don, elle souscrirait en toute lucidité à ce programme car elle connaît avec précision le prix d’un battement de cœur.
Tombe la neige
Duong Thu Huong
Nous commençons à rêvasser dès notre jeune âge. Cela commence souvent vers nos treize, quatorze, quinze ans ou un peu après vers nos seize ou dix-sept ans. Mais nos rêves les plus grands, les plus fous, ceux qui seraient si puissants qu’ils pour…
Source
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Une nuit au Panthéon
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– À quoi tu rêves, Voltaire ?
– Et toi, Jean-Jacques ?
– À rien. Enfin, si. Je me dis que si on rêve, c’est qu’on dort. Et que si on dort, on devrait finir par se réveiller. Non ?