Liban : le refus de se compter
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Le Liban, qui se faisait appeler « république marchande », serait-il fâché avec les chiffres ? À l’évidence. Le pays des commerçants et des banquiers est celui où les nombres, les chiffres et les statistiques sont les plus flous, invérifiables, lacunaires, voire inexistants. La politique et la question d’identité n’y sont pas pour rien. Prenons la question du nombre d’habitants : ce pays aux multiples communautés religieuses n’a jamais effectué de recensement officiel. Depuis son indépendance en 1945, tous les chiffres ayant trait à la population sont issus d’extrapolations.
Le dernier recensement remonte à 1932, lorsque le Liban était sous mandat français. Depuis, aucun dirigeant n’a jamais pris le risque de réaliser un recensement en raison des répercussions politiques inévitables d’une telle opération. Les institutions ont été façonnées d’après les résultats de 1932 sur la base d’un comptage communautaire. Il y a, au Liban, une quinzaine de communautés, dont les principales sont les chrétiens maronites, les musulmans sunnites et les musulmans chiites. À chacune d’entre elles est dévolue automatiquement une charge : la fonction de chef de l’État (maronite), de chef de gouvernement (sunnite) et de président du Parlement (chiite) selon un pacte national non écrit, une répartition qui vaut aussi pour la haute fonction publique.
Mais, alors qu’en 1932, avec ou sans les émigrés, la population chrétienne représentait une majorité, le rapport s’est depuis inversé. Les musulmans constituent désormais près de 60 % des inscrits sur les listes électorales. Selon des données publiées en 2006 provenant de l’état civil et portant sur la totalité de la population libanaise (environ 4,855 millions d’habitants à cette date, et plus de 6 millions aujourd’hui), le ratio penche encore plus nettement en faveur des musulmans (65 % contre 35 % de chrétiens). Voilà ce qui paralyse les esprits. Tel est le casse-tête libanais qui embrouille tout, sans oublier la prise en compte du nombre de réfugiés.
Aujourd’hui, le Liban abrite environ un million de réfugiés syriens, et quelque 150 000 à 200 000 Palestiniens, des chiffres qui déplaisent à ceux qui ne veulent pas toucher à l’équilibre confessionnel en place.
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