Le dieu romain Jupiter régnait sur le ciel, sur la terre et sur les hommes qui la peuplaient. Il était le Zeus des Grecs, et on le rapproche aussi du Shiva hindou armé de huit bras pour être au four et au moulin. Les attributs de Jupiter, l’aigle et le foudre – faisceau de dards en feu représentant la foudre –, montrent qu’il ne rigolait pas tous les jours, sauf peut-être en se brûlant. Jupiter était maître du temps et du « en même temps », puisqu’il était tout autant Caelestis (céleste) que Lucetius (de la lumière) ou Optimus Maximus (le plus grand), tantôt Pluvius (qui envoie la pluie), tantôt Summanus (qui fait éclater le tonnerre de la nuit), ou encore Terminalus (qui défend les frontières) – mais pas Terminator. Toujours en revanche stator et victor (debout et victorieux). N’en jetons plus, on pourrait se lasser. C’est d’ailleurs ce sentiment de trop – les Romains n’avaient pas inventé l’expression too much – qui étreint le pays au moment où le président Macron voit se réaliser une situation que le candidat Macron jugeait non souhaitable car assimilable, selon ses propres termes, à un hold-up : une majorité parlementaire détenue par le seul mouvement – évitons le mot parti – du chef de l’État. À l’évidence, le ciel est tombé sur la tête de ceux qui incarnaient il y a peu encore le vieux monde avec ses vieilles habitudes de cooptations consanguines, voire familiales, d’arrangements et d’indulgence pour les demi-mesures, mères des demi-échecs. 

Le sourire de Macron a la dent dure et l’œil rapace. L’heure de l’obligation de résultat a sonné pour les ministres, comme est hautement conseillé aux hauts fonctionnaires de se tenir à leur devoir de loyauté. Le président élu sur fond de dégagisme et d’espoir de démocratie plus participative impose pour horizon la verticalité de son pouvoir. En marche, mais pas de travers.

Un hyperprésident est né. Pas un agité façon Sarkozy qui confondait pouvoir et gesticulation, coupant l’herbe sous le pied de ses ministres en annonçant les réformes à leur place. Un hyperprésident pour de vrai, qui concentre l’autorité avec méthode, convaincu qu’elle doit s’exercer à l’écart de la lumière. Sauf quand les feux de la rampe le servent, comme avec les grands de ce monde qu’il toise et apprivoise.

La suite ? Elle nous montrera si tout cela n’était que théâtre, apparence et apparats, ou si les résultats sont à l’aune de la solennité initiale. En attendant, le macronisme n’a pas fini de nous surprendre, qui fournit d’un même coup au pays sa majorité et son opposition. Car c’est le débat au sein de La République en Marche !, plus que les oppositions défaites, qui tiendra lieu de scène contradictoire. Si Macron n’a pas tous les pouvoirs – lui manquent le Sénat, les grandes villes et les régions –, il en a beaucoup. À charge pour lui, pour n’en point abuser, de savoir les redistribuer. Et de ne pas s’isoler sur son Olympe. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !