Alors que tous les yeux sont braqués sur le Moyen-Orient, en particulier Israël et l’Iran, que devient la Syrie, théâtre d’un conflit violent depuis 2011 ?

La Syrie est un pays dévasté, en ruine, qui compte (sur une population de 24 millions) 6 millions de déplacés internes et 7 millions de réfugiés, pour la plupart en Turquie, au Liban, en Jordanie ou en Allemagne.

C’est aussi un pays fragmenté et occupé. La zone principale, qui recouvre les deux tiers du territoire, dont la majorité des grandes villes, est contrôlée depuis 2018 par le régime de Bachar Al-Assad, par des milices syriennes pro-régime, ainsi que par les forces militaires russes et iraniennes qui permettent au régime de survivre. On y trouve aussi des milices chiites, irakiennes et afghanes et le Hezbollah libanais, mobilisés par l’Iran. Si la situation militaire y est stable, les conditions de vie sont très difficiles : les faubourgs et les campagnes ont été violemment bombardés par le régime et par les Russes, l’électricité et l’eau manquent ; il y a de graves problèmes économiques, dus au manque de ressources et à la corruption des autorités, et des taux de chômage et de pauvreté qui dépassent les 60 %. Des dizaines de milliers de personnes sont emprisonnées et torturées dans le secret, et leur sort sert à faire pression sur la population.

« Il est important de noter que l’État islamique, ou Daech, ne contrôle plus de territoire en Syrie. »

Le nord-est du pays, lui, est tenu par les milices kurdes, appuyées par les forces américaines. La situation générale y est stable, et la situation économique marginalement meilleure, grâce à l’aide internationale. C’est là aussi que sont emprisonnés les combattants de Daech étrangers et leurs familles, qui attendent leur rapatriement dans des conditions inhumaines.

Enfin, le nord et le nord-ouest du pays sont sous un double contrôle : d’un côté, des milices de l’opposition, soutenues par les forces turques, et de l’autre, le Front Fatah Al-Cham, un groupe issu d’une mouvance djihadiste. Les conditions économiques y sont difficiles et le tremblement de terre de 2023 les a encore aggravées.

À tout cela s’ajoutent, dans le Sud, un territoire isolé sur la frontière avec la Jordanie, contrôlé par les Américains et des milices locales, et le plateau du Golan, occupé par Israël depuis 1967.

Il est important de noter que l’État islamique, ou Daech, ne contrôle plus de territoire en Syrie. Ce groupe a cependant des cellules qui mènent des opérations à partir du désert, dans le centre du pays, souvent contre le régime, contre les Kurdes et, de temps en temps, contre les milices de l’opposition… Daech est un « électron libre ». Il considère tous ceux qui n’adhèrent pas à sa cause comme des ennemis, et il n’a aucun lien organique avec les autres groupes armés de la région (même si certains de ses membres peuvent être instrumentalisés par des services de renseignement régionaux et internationaux).

Si la région venait à s’embraser, la Syrie serait sans aucun doute prise dans l’engrenage. Certes, le régime de Bachar Al-Assad tente pour l’instant de faire profil bas. Il craint d’être ciblé par Israël et les États-Unis, d’autant plus que le désinvestissement de la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022 l’a rendu plus vulnérable. Toutefois, il n’a que peu de prise sur l’Iran, qui construit des bases militaires en Syrie depuis dix ans, ou sur le Hezbollah et les milices chiites implantées sur le territoire. Dans ce sens, si le conflit se transforme en guerre ouverte, l’Iran et ses alliés pourront décider de riposter contre Israël depuis le sol syrien. La distance étant plus courte que depuis l’Iran, leurs drones et missiles sont plus difficiles à intercepter. La Syrie deviendra alors un nouveau front, peut-être l’un des plus violents.

 

Conversation avec LOU HÉLIOT

 

Vous avez aimé ? Partagez-le !