Edmond Jabès écrit « Chanson triste » entre 1943 et 1945. Francophone né au Caire, il vit encore en Égypte, qu’il devra quitter en 1967 à cause de ses origines juives. L’homme et sa parole sont « condamnés à errer ensemble ». Quelle oasis pour les hommes de bonne volonté, qu’ils soient israéliens ou palestiniens ? 

Quand les six chevaux éventrés
Atteignirent enfin ! l’oasis,
Dans le monde divisé,
Plus un homme n’arrosait la joie. 

Quand les six chevaux éventrés
Atteignirent enfin ! l’oasis,
De l’année – qui l’eût cru ? –
Pas un jour ne portait un homme.

Quand les six chevaux éventrés
Atteignirent enfin ! l’oasis,
Autour du puits abandonné,
Plus un palmier ne balançait ses rires.

Quand les six chevaux éventrés
Atteignirent enfin ! l’oasis,
Plus un insecte ne régnait sur
Le moindre brin d’herbe vivant.

Je bâtis ma demeure, poèmes (1943-1957)
© Éditions Gallimard, 1959, 1975

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