les mots pour le dire
Les mots parlent d’eux-mêmes. On parlait autrefois des « fous » puis il a été question des « aliénés ». Le XXe siècle, lui, a opté pour l’expression « malades mentaux » et on préfère aujourd’hui parler de « patients atteints de troubles mentaux ». Au-delà de ces variations lexicales, c’est l’obligation de soulager ces souffrances psychiques qui compte. Et, plus encore, de parvenir à les prévenir, à les diagnostiquer, à les soigner et à les guérir si possible. Il s’agit d’un véritable parcours de soin. Ces maux sont de tout temps. Nous publions ici des extraits de grands auteurs qui en ont souffert comme Marguerite Duras, Maupassant et Virginia Woolf.Temps de lecture : 7 minutes
J’ai peur de la peur
Guy de Maupassant
(1850-1893)
Je me marie pour n’être pas seul.
Je ne sais comment dire cela, comment me faire comprendre. Tu auras pitié de moi, et tu me mépriseras, tant mon état d’esprit est misérable.
Je ne veux plus être seul, la nuit. Je veux sentir un être près de moi, contre moi, un être qui peut parler, dire quelque chose, n’importe quoi.
Je veux pouvoir briser son sommeil ; lui poser une question quelconque brusquement, une question stupide pour entendre une voix, pour sentir habitée ma demeure, pour sentir une âme en éveil, un raisonnement en travail, pour voir, allumant brusquement ma bougie, une figure humaine à mon côté…, parce que… parce que… (je n’ose pas avouer cette honte)… parce que j’ai peur, tout seul.
Oh ! tu ne me comprends pas encore.
Je n’ai pas peur d’un danger. Un homme entrerait, je le tuerais sans frissonner. Je n’ai pas peur des revenants ; je ne crois pas au surnaturel. Je n’ai pas peur des morts ; je crois à l’anéantissement définitif de chaque être qui disparaît !
Alors !… Oui, alors !… Eh bien ! j’ai peur de moi ! j’ai peur de la peur ; peur des spasmes de mon esprit qui s’affole, peur de cette horrible sensation de la terreur incompréhensible.
Ris si tu veux. Cela est affreux, inguérissable. J’ai peur des murs, des meubles, des objets familiers qui s’animent, pour moi, d’une sorte de vie animale. J’ai peur surtout du trouble horrible de ma pensée, de ma raison qui m’échappe brouillée, dispersée par une mystérieuse et invisible angoisse.
Lui ?, 1883
Vivre avec l’alcool
Marguerite Duras
(1914-1996)
J’ai vécu seule avec l’alcool des étés entiers à Neauphle. Les gen
« Plus de 20 % de la population présente à un moment de sa vie un trouble mental »
Luc Mallet
On considère généralement que la maladie mentale est un phénomène exceptionnel. Est-ce exact ?
Non ! La maladie mentale est malheureusement quelque chose de très répandu. Les études épidémiologiques montrent que plus de 20 % de la popul…
[Déprime]
Robert Solé
Notre boulanger avait du vague à l’âme depuis quelque temps. On le sentait à la consistance, plus molle, de son pain, et même à la forme, moins arrondie, de ses croissants.
Surveiller et guérir
Adèle Van Reeth
Le trouble est une notion floue qui n’épargne personne. C’est le résultat que produit le doute sur celui qui pensait savoir. C’est la sensation qui suit une rencontre et annonce la passion. C’est l’aspect que prend l’eau d’une mare dans laquelle on a jeté un pavé. Le trouble n’e…