Notre boulanger avait du vague à l’âme depuis quelque temps. On le sentait à la consistance, plus molle, de son pain, et même à la forme, moins arrondie, de ses croissants.

– Vous devriez rencontrer quelqu’un, lui dit une cliente.

La suggestion, mal comprise, fit bondir cet époux modèle.

– Non, non, je veux dire : vous devriez consulter, précisa la dame.

– Consulter qui ? s’étonna le champion de la baguette multicéréales.

– Un psy, voyons !

Encore fallait-il frapper à la bonne porte. Pour savoir quel genre de psy consulter, notre homme dans le pétrin consulta tout le quartier. Chacun avait un avis sur la question.

Les prestations d’un psychiatre avaient l’avantage d’être remboursées par la Sécurité sociale, mais le mot lui faisait peur.

– Je ne suis quand même pas fou ! répétait-il.

Chez un psychanalyste, l’affaire risquait de lui coûter cher et de durer des années. Par ailleurs, cet homme levé chaque jour dès potron-minet ne supportait pas l’idée de s’allonger sur un divan.

Un psychologue, alors ? Un psychothérapeute ? Notre boulanger mit une année entière pour se documenter sur les différentes spécialisations, écoles et méthodes existantes, de la sophrologie à la musicothérapie, en passant par l’hypnose, les théories comportementales et cognitives, l’analyse transactionnelle et la programmation neuro-linguistique. Il découvrit les immenses douleurs que pouvaient provoquer les troubles mentaux chez les malades et leur entourage. Sa petite déprime lui parut bien ridicule. Et c’est ainsi (morale de la fable) que le gentil boulanger, retrouvant son sourire, cessa de crier famine sur un tas de blé. 

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