Il existe entre le Maroc et la France un lien fort et durable. Cette amitié n’a jamais failli, même lorsque des problèmes ont surgi entre les deux pays. Ce fut le cas avec l’affaire de l’opposant marocain Mehdi Ben Barka, enlevé en plein Paris fin octobre 1965 et mort sous la torture en banlieue. Ou encore lorsque, le 13 février 2014, eut lieu une « descente » policière à la résidence de l’ambassadeur du Maroc à Paris, pour remettre une convocation judiciaire au chef de la DST marocaine. Jamais le dialogue ne fut rompu. Et le calme revint dans cette vieille amitié. Du général de Gaulle à François Hollande, tous les présidents de la République avant Emmanuel Macron ont veillé à la consolidation des relations franco-marocaines, et ce pour une raison historique : la France n’a pas occupé le Maroc. Elle y a exercé un protectorat. Son départ n’a pas nécessité une guerre terrible comme ce fut le cas en Algérie, alors considérée comme un département français.

Pourquoi les choses se sont-elles dégradées entre les deux pays ? Le président Macron n’a pas compris la nature et la profondeur de cette amitié entre nos deux pays. Depuis son élection à l’Élysée en 2017, l’une de ses priorités a été de « régler le dossier » algérien. Il voulait réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué. Aussi a-t-il demandé à l’historien Benjamin Stora un rapport sur les relations entre les deux pays. Il en a conclu que le pays était dirigé par un « système politico-militaire » qui exploitait la « rente mémorielle ». Une crise ouverte a éclaté entre les deux capitales. Alger rappela son ambassadeur en octobre 2021 pour protester contre une ingérence de la France. Mais cela ne découragea pas le président Macron, persuadé qu’il parviendrait à tourner la page d’une mémoire blessée, meurtrie et exploitée dans une culpabilisation sans fin. Or, non seulement la junte au pouvoir à Alger ne renoncera jamais à cette culpabilisation de la France, mais elle lui fera miroiter l’illusion d’une réconciliation. M. Macron a ainsi sacrifié la vieille tradition d’amitié et de coopération avec le Maroc pour se tourner vers une Algérie qui ne lui cédera rien.

Une issue à cette crise est possible

Mais revenons au cœur de la querelle. En juillet 2021, furieux d’apprendre que le Maroc l’a espionné en utilisant le logiciel espion israélien Pegasus, Macron téléphone au roi Mohammed VI. Le souverain répond qu’il ne l’a jamais fait écouter. Macron dit avoir des preuves. Le roi lui donne sa parole. Macron ne le croit pas et adresse un commentaire particulièrement désobligeant au roi. Lequel raccroche et ne veut plus entendre parler de lui… On ne manque pas de respect au roi. D’autant qu’au début du premier quinquennat de Macron, en juin 2017, Mohammed VI avait invité le président français et son épouse pour un iftar – un repas de rupture du jeûne – durant le mois de ramadan, un dîner en famille, signe et symbole que le président français n’a pas saisi. À partir de cet incident, un certain nombre d’actions ont fortement déplu au Palais royal. En particulier cette résolution hostile au Maroc que l’eurodéputé Stéphane Séjourné, très proche d’Emmanuel Macron, a rédigé et fait voter au parlement de Strasbourg, le 19 janvier 2023, qui interdit notamment aux représentants marocains d’accéder à l’hémicycle européen.

C’est un pays émergent qui diversifie ses relations et ses amitiés

Macron ayant failli à comprendre le fonctionnement de la monarchie marocaine – le roi du Maroc gouverne, donne les directives, travaille beaucoup, ce n’est ni la Belgique ni la Suède –, la communication est coupée entre le Palais et l’Élysée. Aucun ambassadeur du Maroc ne réside actuellement à Paris. Une certaine détestation de la France s’est même installée au Maroc. La restriction arbitraire des visas, décidée en 2022 par MM. Macron et Darmanin, a vexé et humilié de hautes personnalités du royaume qui se sont vu refuser la délivrance d’un visa d’entrée en France. Une issue à cette crise est possible : il faudrait que la France s’aligne sur la position des pays européens comme l’Espagne, l’Allemagne, l’Autriche et le Portugal, dans l’affaire du Sahara occidental.

Rappelons qu’à l’indépendance du Maroc en 1956, le pays comptait neuf millions d’habitants, dont cinq médecins, quatre pharmaciens et sept ingénieurs… Aujourd’hui il compte trente-sept millions d’habitants. C’est un pays émergent qui diversifie ses relations et ses amitiés. La langue anglaise y fait des pas de géant. Elle sera enseignée en seconde langue dans tous les collèges à partir de la rentrée scolaire prochaine. Même les panneaux publicitaires sont de plus en plus rédigés en anglais. Des parents envoient leurs enfants étudier au Canada, ou aux États-Unis. Et pendant ce temps, la presse, en arabe comme en français, pointe du doigt chaque mauvais pas du président français. L’époque de la bonne entente est donc bien révolue. Le 27 février dernier, les autorités marocaines ont répondu à une déclaration de M. Macron sur les relations entre les deux pays par une phrase qui dit tout : « Nos relations ne sont ni normales ni amicales, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée. » En vérité, le Maroc attend sereinement le départ de Macron pour retrouver des relations normales avec la France…  

 

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