La dénonciation de l’immigration continue de figurer en tête des tracts des candidats du FN. Ce phénomène est présenté comme une menace pour la sécurité du pays et la préservation de son identité. Les partisans frontistes agitent la crainte d’une croissance incontrôlée du nombre d’immigrés dans notre pays, qui finirait par mettre en minorité culturelle les représentants de la France traditionnelle.

La science est démunie pour répondre à cette anxiété. Les termes du débat sont minés : qu’est-ce qu’un « immigré » ? un « Français de souche » ? Le Haut Conseil à l’intégration propose une définition des premiers, utilisée intensivement par le système statistique public : un immigré est une personne résidant en France née étrangère à l’étranger (qu’elle ait adopté ultérieurement la nationalité française ou non). Selon cette approche, l’Insee dénombre 5,6 millions d’immigrés en France en 2011. Parmi eux, les immigrés d’origine africaine sont 2,4 millions, soit 3,8 % de la population française. Une minorité substantielle, certes, mais très petite. La France de 1954 comptait déjà 5,4 % d’immigrés.

Cette définition est contestée : elle serait trop restrictive. Selon certains, les enfants de ces personnes nées étrangères à l’étranger (les « descendants d’immigrés » dans la terminologie officielle), ainsi que leurs propres enfants (la troisième génération) devraient également être comptés dans les « immigrés ». Comme si le statut d’immigré était un gène héréditaire, transmis de génération en génération – gène dominant de surcroît, puisqu’il suffit d’un ascendant immigré pour qu’on le devienne soi-même. Ce cas est courant : plus de la moitié des 6,7 millions de descendants d’immigrés n’ont qu’un seul parent immigré. Il n’existe aucun décompte sérieux des descendants d’immigrés de troisième génération. Mais on peut gager qu’il s’agit d’une très large population – étant donné l’ancienneté des phénomènes migratoires qu’a connu la France tout au long du xxe siècle. Où donc mettre le curseur « immigré » pour qu’il reste pertinent ?

Rétifs à toute tentative d’objectivation scientifique, ces discours tirent leur force de la nébuleuse dans laquelle ils prolifèrent. Ils ressemblent à ces maladies imaginaires sur lesquelles les médecins n’ont pas de prise et qui terrorisent d’autant plus les patients. Ils sont néanmoins le symptôme d’un malaise plus profond. Au fond, ce n’est peut-être pas tant l’immigration qui est en cause, que la quête angoissée d’une certaine idée existentielle de la France.

Vous avez aimé ? Partagez-le !