Ils ne vont plus les uns sans les autres. Médias et sondages forment un couple indissoluble dans une France championne du monde pour le nombre d’émissions politiques et d’enquêtes d’opinion. Mesurer les intentions de vote devient ainsi un exercice frénétique dès qu’approche une élection. Sans doute battra-t-on tous les records pour la course élyséenne 2017. On comptait 111 sondages présidentiels en 1981, 153 en 1988, 157 en 1995, 193 en 2002, 293 en 2007, près de 400 en 2012. Pour les élections de 2017, avec les primaires de droite et de gauche, on devrait dépasser les 500. 

La culture du chiffre, manière objective, pense-t-on, d’aborder la réalité, éclaire cette inflation. Le sondage, en outre, a le mérite, aux yeux de ceux qui y recourent, de créer l’événement et de se transformer en vecteur de communication. Il nourrit, enfin, l’illusion de peser sur l’issue du scrutin. En fait, médias et sondages sont les deux corps d’une démocratie d’opinion dont la règle est l’immédiateté. Ensemble, ils la transforment en un feuilleton à rebondissements et en deviennent les juges de paix. Ils siègent jour et nuit et soumettent les candidats aux élections à leurs diktats. L’actuelle primaire de la droite et du centre est l’illustration la plus aboutie de cette situation. Les sondages forgent commentaires, analyses et comportements. 

Le passé démontre pourtant que médias et sondages ne font pas le vote. En 1981, ils prédirent jusqu’à la fin du mois de février la réélection de Valéry Giscard d’Estaing. La suite les démentit avec la victoire de François Mitterrand. Les sondages enregistrèrent le basculement mais ne l’anticipèrent pas. Le scénario de 1995 fut encore plus caricatural. Avec Édouard Balladur, le couple sondages-médias crut connaître son triomphe. Le Monde titrait le 12 janvier à son sujet : « Pour l’opinion, l’élection présidentielle est déjà jouée. » De fait, jusqu’à la fin du mois de février Balladur devança Chirac qui, finalement, l’emporta.

En vérité, les sondages ne sont que des instantanés. Ils ne saisissent les mouvements profonds du scrutin qu’au moment où ceux-ci remontent à la surface, bouleversent le paysage politique et déterminent vraiment le vote. Bref, quand la démocratie électorale reprend ses droits. 

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