Pourquoi les sondeurs n’ont-ils pas vu venir l’élimination de Lionel Jospin le 21 avril 2002 ? 

Effectivement, que ce soit durant l’année précédant le scrutin ou durant la dernière ligne droite, aucune enquête publiée ou confidentielle n’a livré l’ordre d’arrivée du soir du premier tour. Pour ma part, je souhaiterais distinguer le rôle du sondeur responsable de la production des chiffres et celui du sondeur qui interprète dans les médias ces livraisons. Certains d’entres eux ont prêté leur « expertise » aux journaux, aux télévisions ou aux radios en assurant le public que le second tour se jouerait entre Chirac et Jospin. La lecture de la presse est à cet égard édifiante. Mon interprétation des sondages – je tiens ici à leur rendre hommage – m’a permis de clairement nommer le risque lors de réunions de direction de campagne de Lionel Jospin les 14 et 15 avril. Mon analyse a porté sur les marges d’erreur entre le score le plus bas de Jospin et le score le plus haut de Le Pen. Il m’est alors apparu que leurs courbes pouvaient se croiser. Je regretterai toujours que les médias et les politiques n’aient pas fait écho à mes propres interventions ! 

Quels éléments doit-on prendre en compte pour bien interpréter un sondage ?

Vaste question ! Un sondage effectué dans les règles de l’art mérite qu’on lui consacre plusieurs lectures. La seconde étape est l’analyse scrupuleuse des variables sociologiques et politiques et, quand il s’agit de baromètre, la constitution de tableaux de bord où l’on consigne besogneusement les variables que l’on juge essentielles à la compréhension de l’enquête. 

S’il est préférable de comparer les sondages d’un même institut, il peut aussi être bénéfique de mettre en parallèle les tendances suggérées par les concurrents. Enfin, il est impératif d’être attentif aux dates de réalisation. Ne lit-on pas trop souvent des commentaires prétendant expliquer un événement à partir d’enquêtes réalisées postérieurement ?  

Propos recueillis par M.P.

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