Singapour, accro au soutien scolaire
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Dans un pays obnubilé par les performances, les cours particuliers sont devenus un élément fondamental de la réussite scolaire.
« Raising the champion in your child », c’est-à-dire « Faire grandir le champion qui est en votre enfant », voilà ce que promet l’entreprise ChampionTutor, spécialisée dans les cours de soutien scolaire. Un centre parmi les quelque 850 qui existent à Singapour alors qu’il n’y en avait que 700 il y a trois ans. En quelques années, les cours particuliers sont devenus une véritable industrie qui pèse près de 700 millions d’euros. « Avant, les cours particuliers étaient donnés aux enfants qui avaient des difficultés scolaires, explique le professeur Jason Tan. Aujourd’hui, les parents y ont recours car ils ont peur que leurs enfants soient à la traîne, qu’ils ne soient pas numéro 1. » Une angoisse que résume l’expression locale, « kiasu », qui en chinois signifie « avoir peur de perdre » et « peur de ne pas avoir le meilleur ». Ainsi les petits Singapouriens se retrouvent, souvent dès leur plus jeune âge, dopés aux cours particuliers, outil jugé indispensable pour arriver en pole position dans la course effrénée à la réussite scolaire.
Samedi, 17 heures. Grace accompagne Lucy, sa fille de 2 ans, au centre My Little Genius. Ici on accueille les enfants dès 6 mois pour « stimuler le développement du cerveau ». Pendant 70 minutes, la petite fille enchaîne sans interruption une série d’exercices de 2 à 3 minutes maximum. « Ma fille va à la crèche, mais à part jouer elle ne fait rien d’autre, explique Grace. Elle est à l’âge où son cerveau se développe, donc je préfère commencer le plus tôt possible. » Lucy n’a que 2 ans, mais sa maman s’inquiète déjà pour l’avenir. « Aujourd’hui elle suit des cours une fois par semaine seulement, mais je sais que rapidement elle devra prendre plus de cours, explique-t-elle. J’ai déjà commencé à économiser. » Car le soutien scolaire, c’est un vrai budget pour les parents. Selon une récente étude publiée par le Straits Times, le quotidien anglophone de l’île, près de 8 enfants en primaire sur 10 suivent des cours de soutien et les dépenses par mois varient de 100 euros, pour des enfants en crèche, jusqu’à 200 euros au lycée. « Donner des cours particuliers, c’est comme avoir la télévision, c’est banal aujourd’hui », explique Ann Tanks, professeur particulier depuis vingt-cinq ans. Mais pour les enfants, cela se traduit par un emploi du temps chargé : en moyenne, les Singapouriens prennent plus de 3 heures de cours de soutien par semaine. Rien d’étonnant pour Ann Tanks qui trouve même que les parents deviennent plus « cool ». « Ces cinq dernières années, je remarque que les parents commencent à refuser les cours le dimanche pour passer plus de temps en famille. »
Mais la situation reste désolante pour Daniel Wong, auteur du livre à succès The Happy Student (l’étudiant heureux), paru en 2012. « Je travaille avec beaucoup d’enfants qui sont épuisés, déprimés, explique-t-il. Les parents les ont tellement poussés jusqu’à l’examen d’entrée au lycée qu’à 13 ans, ces adolescents n’ont déjà plus goût à rien. » Écœuré par la pression associée au système éducatif, ce jeune père de famille envisage déjà une solution alternative pour son jeune fils : l’école à la maison.


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