La colère, nous dit le Larousse, est « un état affectif violent et passager résultant du sentiment d’avoir été agressé ou offensé ». Mais celle qui nous occupe n’a pas l’air de passer.

Les opposants à la réforme des retraites – et plus généralement à tout ce qui sort désormais de la bouche d’un président élu au suffrage universel – ne sauraient être taxés de coléreux ou colériques : cela voudrait dire qu’ils seraient irascibles par tempérament. La France n’a pas nécessairement la tête près du bonnet (phrygien).

Le verbe colérer, qui signifiait jadis mettre ou se mettre en colère, est sorti du dictionnaire. Est resté en revanche son antonyme, décolérer. Bizarrement, on ne l’emploie qu’à la forme négative : les opposants à la réforme de la retraite ne décolèrent pas.

Encore faut-il distinguer entre colère noire et colère feinte, colère sourde et colère aveugle. Le pouvoir fait face à de l’irritation, de l’exaspération, de l’indignation et de la fureur. Et ce ne sont évidemment pas les plus violents, armés de boules de pétanque, qui sont les plus convaincants.

Paradoxalement, c’est lorsqu’elle est joyeuse et bon enfant que la colère fait mouche. Dans les cortèges de manifestants, plus que par les chants et les déguisements de carnaval, on est frappé par des slogans inventifs et rigolards, du genre : « Tu nous mets 64, on te re-mai 68 ». Ou cette pancarte, brandie par une petite vieille : « Si on avait voulu se faire baiser par le gouvernement, on aurait élu Brad Pitt. » Un manifestant a simplement griffonné sur la sienne : « Grr !! »

Le pouvoir brûle sans doute de répliquer par des traits d’esprit, mais une petite phrase assassine, qui lui vaudrait peut-être le Prix annuel de l’humour politique, enflammerait la rue. Le rire est l’apanage des gens en colère. 

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